[Chronique] Tanzanie : le nataliste John Magufuli
Le président tanzanien appelle les femmes à « abandonner » les moyens de contraception. Énième déclaration contestable ou stratégie plaidable ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 12 septembre 2018 Lecture : 2 minutes.
C’est devenu une habitude : John Magufuli s’exprime et les dents occidentales ont tendance à grincer. Après avoir estimé récemment qu’il fallait donner des « coups de pied » aux prisonniers et que son parti politique resterait « au pouvoir à jamais, pour l’éternité », le président de la Tanzanie s’est exprimé le 9 septembre sur la politique à adopter en matière de naissances. Relayé le lendemain par la presse tanzanienne, il estime qu’il « est important de se reproduire » et qu’il convient donc que les femmes abandonnent désormais les moyens de contraception.
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Alors que les Nations unies prédisent que la population africaine devrait doubler d’ici 2050 – pour atteindre 2,5 milliards de personnes -, nombreuses sont les voix qui craignent une « bombe démographique ». Lapidaire et peut-être sous-informé sur la question, le président français avait provoqué un tollé en 2017, en décrivant les enjeux de la transition démographique comme un problème « civilisationnel ».
John Magufuli, lui, estime que la Tanzanie se développera en procréant
Pour l’émergence de l’Afrique ?
Emmanuel Macron avait évoqué des États fragiles et des transitions démocratiques impossibles à stabiliser dans des pays qui comptent encore « sept à huit enfants par femme ». Il s’alignait ainsi sur les promoteurs d’une baisse de la fécondité comme condition, sinon garantie, d’une Afrique émergente. La théorie du dividende démographique évoque l’accélération de la croissance économique qui peut résulter d’une baisse rapide de la fécondité d’un pays et l’évolution ultérieure de la structure par âge de la population.
>>> A LIRE – Croissance démographique en Afrique : « Une chance pour certains, un frein pour d’autres »
Au-delà du respect réclamé par les défenseurs d’une culture familiale généreuse en procréation, les analyses reconnaissent que les gains du dividende démographique ne garantissent la croissance économique qu’à la condition que soient menées de judicieuses politiques en matière de santé, d’éducation, de gouvernance et tout simplement d’investissements économiques et sociaux.
John Magufuli, lui, estime que la Tanzanie se développera en procréant. Avec quelque 60 millions d’habitants et 4,89 enfants par femme – contre 6,76 au Niger –, son pays n’est que 17e dans le classement des pays par taux de fécondité, si l’on en croit le World Factbook 2015 de la CIA. S’adressant notamment aux grands fermiers, le président tanzanien considère qu’ils ont assez de bétail pour nourrir de nombreux enfants, synonymes de force de travail.
Il ajoute avoir constaté lui-même les effets néfastes du contrôle des naissances en Europe, évoquant le « déclin démographique » qui conduit à une pénurie de main-d’œuvre. John Magufuli à la rescousse de la vieille Europe ?
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