Le combat continue
Le chef de l’État s’emploie à consolider les acquis du code du statut personnel, en renforçant les mesures de protection des femmes divorcées.
En écartant du pouvoir Habib Bourguiba pour cause de sénilité le 7 novembre 1987, Zine el-Abidine Ben Ali plaçait son action sous le signe du changement. Ce mot deviendra d’ailleurs le slogan de son régime. Mais il est un domaine où le nouveau chef de l’État revendiquera toujours haut et fort l’héritage de son prédécesseur : les droits de la femme. « Le code du statut personnel est un acquis auquel nous sommes attachés et par lequel nous nous tenons engagés, déclarait-il en mars 1988. Nous en sommes fiers et en tirons un réel orgueil. Il n’y aura ni remise en cause ni abandon de ce que la Tunisie a pu réaliser au profit de la femme et de la famille. »
Et, de fait, depuis bientôt vingt ans, de nombreuses mesures sont venues consolider et prolonger les acquis de 1956. Ainsi en va-t-il des amendements du code du statut personnel du 12 juillet 1993. L’un d’entre eux fait notamment obligation aux époux de « se traiter mutuellement avec bienveillance et de s’entraider dans la gestion du foyer ». Jusque-là, la femme devait « respecter les prérogatives du mari ». La nuance est de taille, on en conviendra.
Toujours en juillet 1993, d’autres mesures consacrent la participation de la mère à la gestion des affaires des enfants. Son consentement au mariage de son enfant mineur est désormais requis. La fille mineure mariée se voit reconnaître pour sa part le droit de « conduire sa vie privée et ses affaires ».
Pour ce qui est du divorce, une décision importante est la création d’un fonds garantissant le versement des pensions alimentaires lorsque l’ancien époux manque à ses obligations, que ce soit par mauvaise foi ou parce qu’il est insolvable. Géré par la Caisse nationale de sécurité sociale, ce Fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente de divorce (FGPARD) est financé par une contribution de l’État à laquelle s’ajoutent les sommes recouvrées auprès des débiteurs, les divorcés mauvais payeurs en l’occurrence. Unique en son genre dans la région (même un pays comme la France ne possède pas d’institution équivalente), le FGPARD a permis à des milliers de femmes ainsi qu’à leurs enfants de subvenir à leurs besoins après une séparation difficile. En 1997, de nouvelles dispositions en ont élargi le bénéfice aux enfants majeurs poursuivant leurs études ou ne disposant pas de revenus.
Toujours dans le souci de protéger les intérêts de la femme divorcée, une mesure prise en avril 1996 octroie les allocations familiales de façon automatique à la mère qui a la garde des enfants. Et, dans le discours qu’il a prononcé le 13 août dernier à l’occasion des célébrations du cinquantenaire de la promulgation du code du statut personnel, le président Ben Ali a annoncé un projet de loi visant à préserver le droit au logement de la mère et de ses enfants en cas de divorce ou de tensions dans les relations conjugales.
Dans cette même allocution, le chef de l’État a exprimé sa détermination à présenter un autre projet de loi unifiant l’âge du mariage, en le fixant à 18 ans pour les jeunes des deux sexes (contre 17 actuellement pour les filles et 20 pour les garçons), la possibilité de convoler entre 18 et 20 ans restant soumise au consentement des parents.
Ce n’est pas là la première initiative du président en faveur d’une égalité renforcée entre les sexes. En juillet 1993, le code du travail avait été amendé afin d’éliminer toute discrimination à l’encontre des femmes. Plus significatif encore, peut-être, a été l’aménagement du code de la nationalité décidé à la même date. Depuis lors, une Tunisienne mariée à un étranger peut légalement accorder sa nationalité à son enfant né hors du pays.
Dans le domaine politique, enfin, la citoyenneté pleine et entière de la femme a été consacrée par la loi constitutionnelle d’octobre 1997. Ce texte rend éligible à la Chambre des députés tout électeur de père ou de mère tunisien. Comme pour la réforme touchant à la nationalité, le pouvoir n’a pas manqué d’audace puisque la tradition musulmane ne reconnaît que la filiation paternelle.
Ainsi, de pas en pas, la marche vers l’égalité absolue entre les sexes a fait des progrès réguliers au cours des vingt dernières années. Sauf dans un registre, le régime successoral, toujours inspiré par la loi coranique selon laquelle la femme, à degré de parenté égal, ne perçoit que la moitié de la part de l’héritage qui revient à l’homme. On sait que Bourguiba, dans sa volonté réformatrice, avait dû céder sur ce sujet face à l’intransigeance des juristes musulmans. Pour les féministes tunisiennes, l’abandon d’une disposition qu’elles estiment inique est évidemment la priorité des priorités.
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