La saga du manga

Ce genre originaire du pays du Soleil-Levant suscite un engouement grandissant et fait de l’ombre à la traditionnelle BD franco-belge. Il est devenu un véritable phénomène culturel en France.

Publié le 28 août 2006 Lecture : 3 minutes.

Villepinte, à trente minutes de Paris, a accueilli en juillet dernier la septième édition de la Japan Expo, l’événement annuel dédié à l’animation japonaise. Avec plus de 60 000 visiteurs, elle consacre de façon évidente l’influence grandissante de la culture du pays du Soleil-Levant sur l’Occident. Si pendant des siècles la culture nippone n’a pas dépassé les frontières de l’archipel, le Japon est aujourd’hui le deuxième diffuseur de biens culturels au monde après les États-Unis. Un phénomène lié à la découverte en Europe d’un art spécifique au pays du Soleil-Levant : le manga.
Ces bandes dessinées japonaises ont envahi le Vieux continent pour s’y faire une place de choix dans les librairies, détrônant la traditionnelle BD franco-belge. En 2006, elles représentent 42 % des exemplaires de BD vendus en France, selon l’Association des critiques et journalistes de bande dessinée (ACBD). Pour la seule rentrée 2006, 1 592 albums sont annoncés, dont 665 mangas. Les éditeurs français l’ont désormais compris, l’avenir de la bande dessinée ne se fera pas sans cette particularité nippone. Avec des personnages aux grands yeux ronds et aux silhouettes fines et élancées, elle plaît avant tout par son graphisme particulier. Les expressions des personnages reflètent leurs sentiments comme aucun autre style pictural n’était capable de le faire auparavant. À grand renfort d’onomatopées, le fou rire est assuré.
Les scénarios mettent généralement en scène des héros au passé trouble, partis de rien et prêts à tout pour atteindre leur objectif. Mais c’est d’abord l’univers où se déroule l’action qui suscite l’intérêt des lecteurs : de l’ère des samouraïs japonais au cadre moderne des grandes métropoles actuelles, le monde ne manque pas de combats à mener, d’histoires à raconter et de destins particuliers à suivre La mythologie, la sorcellerie et l’ésotérisme tiennent une place non négligeable dans beaucoup d’albums, ajoutant à la complexité de la trame. Dès lors, rien ne manque pour qu’en une trentaine de tomes (en moyenne) les intrigues soient bien menées. Le suspense tient le lecteur en haleine au gré des péripéties où l’entraîne le héros. Ainsi, il n’est pas rare de voir le personnage principal livrer un combat ou disputer un match qui s’étalera sur tout un volume.
La bande dessinée japonaise fascine également par les valeurs et la morale qu’elle véhicule. Des notions telles que l’honneur, le sacrifice, le courage et le dépassement de soi en sont des thèmes récurrents. La psychologie du héros est affinée pour en faire un personnage ni tout blanc ni tout noir, digne représentant de la réalité. Le lecteur n’a aucune peine à s’y identifier.
Pour lui faciliter la tâche, il existe différent types de mangas. Les shônen (Naruto, Full Metal Alchimist ou Dragon Ball) sont des mangas d’action, « pour garçon », tandis que les shôjo (Fruits Basket, Love Hina ou Dears), plus sentimentaux, s’adressent à un public féminin. Chaque tranche d’âge y trouve son compte. Les adultes, seinen, peuvent être amateurs de hentaï, mangas érotiques, ou de mangas pratiques leur apprenant à bricoler ou à faire des sushis. Une nouvelle catégorie a récemment fait son apparition : les mangas littéraires ou d’auteur – sakka, en japonais. En créant justement la collection Sakka, les éditions Casterman ont compris plus vite que les autres l’intérêt du filon et se sont spécialisées dans la production de mangas de ce type. Le succès en 2002 de Quartier lointain, de Jirô Taniguchi, les a confortés dans ce choix risqué.
Le manga possède par ailleurs deux avantages marketing non négligeables pour séduire la jeunesse européenne : d’une part il coûte entre 6 et 9 euros, soit 5 euros de moins, en moyenne, qu’une BD traditionnelle. De l’autre, son rythme de production (et de parution) est largement plus soutenu. Les mangaka, dessinateurs de mangas, produisent environ quinze planches par semaine pour qu’un nouveau tome sorte tous les trois mois. Ne plus avoir à attendre un an, voire deux ou trois, pour lire la suite d’une série permet de fidéliser le lecteur et de doper les ventes ! L’avenir de cet art est assuré en Europe. S’il continue sur sa lancée, il se pourrait bien qu’à terme il représente, comme au Japon, 40% de ce qui est imprimé sur du papier !

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