Algérie-France : Emmanuel Macron demande « pardon » à la veuve de Maurice Audin
Le président français Emmanuel Macron s’est rendu au domicile de madame Audin le 13 septembre, pour lui remettre une lettre dans laquelle il reconnaît que le mathématicien et militant Maurice Audin est « mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France ».
« Je ne pensais pas que ça arriverait », a réagi Josette Audin. Le 13 septembre, le président français Emmanuel Macron s’est rendu à son domicile où il a reconnu que le jeune mathématicien communiste et anticolonialiste Maurice Audin, disparu en pleine guerre d’Algérie le 11 juin 1957, a bien été « torturé puis exécuté ou torturé à mort par des militaires qui l’avaient arrêté à son domicile », selon un texte émanant de l’Élysée et auquel des journalistes français ont eu accès.
« La seule chose que je fais c’est reconnaître la vérité », a déclaré le chef de l’État, qui a aussi demandé « pardon » à la veuve.
Le président français devait aussi demander à toutes les personnes qui ont pu connaître les circonstances de la mort de Maurice Audin à s’exprimer « afin d’apporter leur témoignage et conforter ainsi la vérité ». Selon le journal français Le Monde, il est possible qu’un des militaires présents lors de l’exécution d’Audin soit toujours vivant et présent en France, protégé par des lois d’amnistie adoptées dans la foulée de la guerre d’Algérie.
"Je ne pensais pas que ça arriverait", a réagi Josette Audin. @EmmanuelMacron lui a demandé "pardon" pour le rôle joué par l’État dans l'assassinat de son mari, Maurice Audin.
— Pierre Duquesne (@pierre_duquesne) September 13, 2018
Retrouvez dans l'Humanité de vendredi le récit de ce moment historique par Maud Vergnol. pic.twitter.com/SoKbgjtmso
>>> A LIRE – Algérie : pourquoi l’« affaire Audin » a été relancée
Depuis des décennies, des proches du militant disparu, dont la veuve de Maurice, Josette Audin, demandaient la vérité. En février 2018, deux députés, le communiste Sébastien Jumel et le mathématicien élu avec la majorité présidentielle Cédric Villani avaient encore demandé, d’une seule voix, que la vérité soit faite sur les circonstances de la mort du jeune assistant à la faculté des sciences d’Alger. En 2014, François Hollande avait reconnu que Maurice Audin ne s’était pas évadé, contrairement à la version officielle, sans aller plus loin.
Un « système légalement institué »
Mais derrière l’affaire Audin, se trouvent également ces Algériens et Algériennes disparus durant la guerre. Arrêtés, parfois par les parachutistes comme ce fut le cas d’Audin, ceux-ci ne sont jamais revenus. Un dossier large, sensible et qui a bien sûr des retombées diplomatiques. Or Emmanuel Macron semble ne pas vouloir escamoter le sujet. Le président français pourrait officiellement reconnaître que la mort de Maurice Audin a ainsi été « rendue possible par un système légalement institué : le système “arrestation-détention”, mis en place à la faveur des pouvoirs spéciaux qui avaient été confiés par voie légale aux forces armées à cette période ». Reconnaître un tel système est une réelle première et peut s’apparenter à un changement historique.
Par ailleurs, le chef de l’État pourrait demander à ce que « toutes les archives de l’État qui concernent les disparus de la guerre d’Algérie puissent être librement consultées ». Une décision forte, qui doit néanmoins être mesurée : dans certains cas, l’ouverture d’archives reste un vœu pieux. Comme l’expliquait Jeune Afrique dans un article du 7 décembre 2017, « au-delà de la transparence annoncée par les politiques, l’exploitation des archives sensibles de la République, soumise à de complexes et multiples verrous, relève au mieux du labyrinthe, au pire d’un parcours du combattant ».
Le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, a salué la décision du président français.
Emmanuel Macron s’est montré engagé sur le front mémoriel vis-à-vis de son partenaire algérien. S’il reste beaucoup à faire, le président français, à l’occasion de sa visite en Algérie en décembre 2017, s’était aussi dit prêt à ce que Paris restitue les crânes d’insurgés algériens tués au XIXème siècle, conservés au Musée de l’Homme à Paris.
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