[Tribune] Planter les semences de l’innovation agricole en Afrique

Une tribune co-signée par Stephen Mugo et Martin Kropff, directeur général du Centre international pour l’amélioration du maïs et du blé (CIMMYT).

Comment libérer le potentiel agricole de l’Afrique ? © Charlie Neibergall/AP/SIPA

Comment libérer le potentiel agricole de l’Afrique ? © Charlie Neibergall/AP/SIPA

Mugo-Stephen
  • Stephen Mugo

    Stephen Mugo est le représentant régional en Afrique et le représentant au Kenya du Centre international pour l’amélioration du maïs et du blé (CIMMYT). Il est aussi chercheur principal et sélectionneur au sein du Programme de recherche sur le maïs du CIMMYT. Il est titulaire d’un Master en sciences agronomiques de l’université du Missouri et d’un doctorat en sélection et génétique de l’Université de Cornell.

Publié le 13 septembre 2018 Lecture : 6 minutes.

Durant ces dernières vingt années, l’Afrique a connu d’importantes avancées dans le développement et l’adoption d’innovations agricoles. Qu’il s’agisse de semences améliorées, de technologies appropriées ou de machines agricoles, celles-ci sont aujourd’hui mieux adaptées aux besoins spécifiques des agriculteurs africains.

Alors que de nombreux dirigeants se réunissent au Forum sur la révolution verte en Afrique (AGRF) ce mois-ci à Kigali, il est opportun d’examiner comment les agriculteurs en Afrique peuvent profiter davantage de ces progrès et bénéficier des pratiques d’intensification durable pour accroître leur production vivrière.

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Comment pouvons-nous favoriser l’accès à ces technologies pour un demi-milliard d’agriculteurs africains et aligner au mieux les efforts des gouvernements, de l’industrie agroalimentaire et du monde universitaire ? Comment libérer le potentiel agricole de l’Afrique et réaliser pleinement la Déclaration de Malabo pour éliminer la faim dans le monde d’ici à 2025 ?

Tout commence avec une semence. L’accès à des semences de qualité – dont les plantes tolèrent mieux la sécheresse, résistent aux maladies et aux ravageurs et ont aussi une valeur nutritionnelle – permet aux agriculteurs de mieux s’adapter au changement climatique. Ces semences, combinées à des pratiques agronomiques durables, permettront un changement économique susceptible de sortir des millions d’agriculteurs africains de la pauvreté.

Pour ce faire, un secteur semencier solide est impératif. Les compagnies semencières locales ont besoin de semences appropriées et fiables, ainsi que d’un accès à un matériel génétique « élite » qu’elles peuvent inclure dans leurs propres programmes d’amélioration variétale. Ces compagnies désirent également utiliser de nouvelles variétés hybrides et améliorer leur production de semences certifiées. Si ces conditions sont remplies, elles pourront vendre des semences améliorées à faible coût aux agriculteurs ayant un faible pouvoir d’achat et un accès limité aux marchés.

Le CIMMYT a déjà diffusé près de 300 variétés de maïs plus tolérantes à la sécheresse et adaptées aux différentes agroécologies de l’Afrique

Les effets négatifs du changement climatique sont ressentis partout en Afrique, en particulier par les producteurs de maïs. Base de l’alimentation pour plus de 200 millions de personnes aux ressources limitées, le maïs est de plus en plus affecté par l’évolution des conditions climatiques.

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Relevant ce défi, le Centre international pour l’amélioration du maïs et du blé (CIMMYT) contribue à la sélection de variétés de maïs, utilisées par des petites et moyennes entreprises semencières. En partenariat avec des gouvernements nationaux, des entreprises privées et des organisations à but non lucratif, le CIMMYT a déjà diffusé près de 300 variétés de maïs plus tolérantes à la sécheresse et adaptées aux différentes agroécologies de l’Afrique.

Malgré les graves sécheresses provoquées par El Niño, les agriculteurs qui cultivent de nouvelles variétés de maïs plus tolérantes à la chaleur et à la sécheresse ont eu des rendements deux fois plus importants que les variétés commerciales courantes, assurant une meilleure sécurité alimentaire à leurs foyers. En Éthiopie, la valeur économique estimée de l’augmentation de la production de maïs liée aux variétés résilientes aux effets du changement climatique est d’environ 30 millions de dollars.

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De plus, le développement de variétés de maïs biofortifiées améliore la nutrition et lutte contre la « faim cachée » en procurant des micronutriments au régime alimentaire des personnes. Ainsi des variétés de maïs « orange », possédant des teneurs plus élevées en vitamine A, sont déjà cultivées dans plusieurs pays d’Afrique australe, permettant de combattre des carences en vitamine A, à l’origine de nombreux cas de cécité et de retards de croissance chez les enfants.

Les données provenant de drones équipés de caméras et d’autres capteurs permettent d’évaluer les performances des différentes variétés

Grâce à de solides partenariats entre les secteurs public et privé, la mise en culture de de maïs résilient au changement climatique a plus que doublé au cours des huit dernières années, profitant à quelques 53 millions de personnes. Toutefois, si l’augmentation des quantités de semences améliorées qui parviennent aux agriculteurs est actuellement encourageante, elle est loin d’être suffisante.

En général, il faut environ 20 ans pour que les nouvelles variétés parviennent aux agriculteurs. Heureusement de nouvelles technologies permettent d’accélérer le processus de sélection. Les données provenant de drones équipés de caméras et d’autres capteurs permettent par exemple d’évaluer les performances des différentes variétés beaucoup plus rapidement et efficacement.

Au Kenya, le CIMMYT a mis en place un laboratoire permettant le développement rapide de lignées de maïs homozygotes (double haploïde), d’où une diffusion accélérée de nouvelles variétés de maïs, réduisant le coût et le temps des travaux de sélection. C’est un outil essentiel dans la lutte contre la nécrose mortelle du maïs car les sélectionneurs peuvent maintenant obtenir de nouvelles variétés en trois ans au lieu de sept. Le laboratoire est ouvert aux sélectionneurs provenant des secteurs publics et privés et offre des pistes prometteuses pour le développement de variétés plus résistantes à la chenille légionnaire d’automne, insecte nuisible détecté en Afrique en 2016. Déjà présente dans plus de 30 pays, la chenille légionnaire d’automne attaque plus de 80 cultures, et surtout le maïs.

Dans un autre domaine, de nouveaux types de petites machines agricoles contribuent à accroître la productivité, à gagner du temps et à réduire la charge de travail des agriculteurs, hommes et femmes. Par exemple, les tracteurs à deux roues permettent aux agriculteurs de cultiver avec plus de précision, de conserver des ressources utiles et, au final, de produire davantage. Louer du matériel agricole et fournir des services de mécanisation devient également un moyen pour les jeunes entrepreneurs des zones rurales de gagner leur vie tout en facilitant l’accès aux outils agricoles pour les agriculteurs qui n’ont pas les moyens de les acheter.

Les bailleurs de fond doivent envisager des mécanismes de financement à long terme pouvant fonctionner à l’échelle régionale comme à l’échelle globale

En juin dernier, des représentants de dizaines de compagnies semencières africaines et d’institutions nationales de recherche agronomique se sont réunies au Zimbabwe pour créer le Consortium international pour l’amélioration du maïs (IMIC) en Afrique, semblable à ceux qui existent déjà en Asie et en Amérique latine. Ce Consortium facilite le partage du matériel génétique du maïs de façon systématique avant sa mise en circulation, lequel peut être utilisé par les partenaires dans leurs propres systèmes d’amélioration variétale.

Grâce aux expériences passées, nous savons que les partenariats doivent être plus ambitieux et que les connaissances doivent être partagées au-delà des frontières. Toute nouvelle solution doit intégrer l’expertise et l’action des systèmes nationaux de vulgarisation, des entreprises du secteur privé et d’autres parties prenantes concernées. Parallèlement, les bailleurs de fond doivent envisager des mécanismes de financement à long terme pouvant fonctionner à l’échelle régionale comme à l’échelle globale.

Mettons à profit les succès existants. Ensemble, nous pouvons construire des systèmes semenciers solides et doter les agriculteurs africains des technologies dont ils ont besoin pour envisager un avenir sûr et durable.

CIMMYT – International Maize and Wheat Improvement Center – est le leader mondial de la recherche sur le maïs, le blé et leurs systèmes de production agricoles et est financé par des fonds publics. Basé près de Mexico City, CIMMYT travaille avec des centaines de partenaires dans les pays en développement pour augmenter durablement la productivité des systèmes de culture du maïs et du blé, améliorant ainsi la sécurité alimentaire mondiale et réduisant la pauvreté. En tant que membre du CGIAR, CIMMYT dirige les programmes CGIAR de recherche sur le maïs et le blé et la Plateforme « Excellence in Breeding ». Le Centre reçoit le soutien des gouvernements nationaux, de fondations, de banques de développement et d’autres agences privées et publiques.

Pour plus d’informations, visitez le site web www.cimmyt.org.

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