Complicités américaines

Bush connaissait et approuvait les projets d’Israël au Liban, perçus comme un « test » en vue de frappes sur l’Iran.

Publié le 28 août 2006 Lecture : 3 minutes.

Israël avait mis au point un plan d’attaque contre le Hezbollah au Sud-Liban bien avant la capture de ses trois militaires, le 12 juillet, affirme Seymour Hersh, l’un des journalistes d’investigation américains les mieux informés, dans le numéro du New Yorker daté du 21 août (dans un article envoyé à la composition le jour où a été adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies la résolution sur le cessez-le-feu).
Les États-Unis étaient parfaitement au courant des intentions des Israéliens. « Le président George W. Bush et le vice-président Dick Cheney, écrit Seymour Hersh, étaient convaincus qu’une campagne de bombardements de l’aviation israélienne sur les installations souterraines et les rames de lancement du Hezbollah au Liban pourrait être une solution aux problèmes de sécurité d’Israël ainsi qu’un banc d’essai pour une éventuelle attaque préventive américaine visant à détruire les installations nucléaires de l’Iran, dont certaines sont elles aussi profondément enterrées. »
Pour les Israéliens, le Hezbollah est une organisation terroriste qui opère sur sa frontière même et dispose d’un arsenal qui, avec l’aide de l’Iran et de la Syrie, s’est renforcé de jour en jour. Donc, une grave menace, qu’il était impératif d’éliminer dès que possible. Le 12 juillet, ils ont littéralement sauté sur l’occasion. Hersh cite, parmi ses informateurs, Uzi Arad, un vieux routier du Mossad – vingt ans de service -, étonné de la rapidité avec laquelle le Premier ministre Ehoud Olmert a déclenché les bombardements. « De ma vie, dit-il, je n’ai jamais vu une décision de faire la guerre prise avec une telle hâte. Nous faisons généralement de longues analyses. »
Au début de l’été, donc avant l’enlèvement des militaires, plusieurs hauts responsables israéliens se sont succédé à Washington pour obtenir le feu vert américain et voir jusqu’où ils pourraient aller. Ils se sont assurés d’abord de l’accord de Cheney. « Persuader Bush, après, ne poserait aucun problème. » Pour Bush, l’opération devait permettre d’éliminer les roquettes du Hezbollah, donc d’éviter d’éventuelles représailles contre Israël en cas d’attaque contre l’Iran. Et contribuer à la « démocratisation » générale du Moyen-Orient, dont le Liban serait « l’un des plus beaux fleurons ».
C’est surtout le côté « banc d’essai » contre l’Iran qui a séduit Cheney. « Si les Israéliens réussissent leur campagne de bombardements, a dit à Hersh un ancien haut responsable des services de renseignements, nous apprendrons ce qu’il faudra faire en Iran en regardant ce que les Israéliens ont fait au Liban. » Dès le printemps, l’US Air Force a reçu instruction d’étudier la possibilité de détruire les installations nucléaires iraniennes et entrepris des consultations avec les Israéliens à ce sujet.
Les spécialistes du Moyen-Orient ne sont pas tous d’accord avec ces perspectives. L’un d’eux a dit à Seymour Hersh que la capacité de résistance démontrée par le Hezbollah et le fait qu’il ait pu continuer ses tirs de roquettes sur le nord d’Israël « sont un sérieux avertissement pour ceux qui, à la Maison Blanche, sont favorables à un coup de force contre l’Iran et qui croient que des bombardements favoriseraient un soulèvement de la population ».
On n’a guère entendu, ces derniers temps, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld. Pour certains informateurs de Hersh, il aurait pris conscience, en Irak, des limites des frappes aériennes. Il a en tout cas déclaré, le 3 août, dans son style si particulier, devant la commission des services armés du Sénat, qu’il y a « une sensibilité au désir que ni notre pays, ni nos intérêts, ni nos forces ne soient exposés à de plus grands risques à la suite de ce qui se passe entre Israël et le Hezbollah Il y a une variété de risques auxquels nous sommes confrontés dans cette région, et c’est une situation difficile et délicate. »
Quant à la secrétaire d’État Condoleezza Rice, elle serait plutôt en perte de vitesse actuellement et tenterait de jouer les médiateurs entre les clans opposés de l’administration. Le personnage le plus écouté, notamment par Cheney, serait Elliott Abrams, un conseiller à la sécurité nationale.

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