Ahmed Agne, ou le tropisme nippon

Publié le 28 août 2006 Lecture : 2 minutes.

Ahmed Agne est le fondateur de Ki-oon, une maison d’édition spécialisée dans le manga. Âgé de 29 ans, aîné d’une famille de six enfants, il est le fils d’un mécanicien sénégalais et d’une Mauritanienne installés à Trappes, dans la banlieue parisienne. Alors que son père souhaite qu’il apprenne l’arabe, c’est le japonais qu’Ahmed parle couramment au terme d’une licence en langue nippone et d’un séjour professionnel de deux ans à Misasa, un petit village à 200 km d’Hiroshima.
Passionné dès l’enfance par les mangas (son préféré : City Hunter), il n’a qu’une obsession : partager sa passion avec le plus grand nombre, surtout les enfants. Rien d’étonnant à ce qu’il choisisse la bande dessinée comme moyen pédagogique pour améliorer la lecture des élèves du primaire de Trappes auxquels il a donné des cours de soutien pendant deux ans. Avec les enfants, il a le contact facile. Il confie que c’est avec eux que ça s’est le mieux passé au Japon. « À mon arrivée là-bas, les gens étaient surpris. Ils n’avaient jamais vu un Noir auparavant. Les enfants étaient drôles, ils me demandaient pourquoi t’es noir ?. Ils se comportaient comme dans les BD, s’approchant pour mieux m’observer avant de s’enfuir en courant ! »
À son retour du Japon, il n’a qu’un projet en tête : éditer lui-même des mangas. Il lui faudra pourtant patienter quelques années et vivre de la traduction de jeux vidéo avant que Ki-oon voie finalement le jour à l’automne 2003. Avec son associée, Cécile Pournin, ils adaptent des titres japonais et en assurent la promotion en France, en Suisse, en Belgique et au Canada. Ils publient leur premier album, Element Line, de Mamiya Takizaki, en mars 2004. Depuis, ils ont sorti plusieurs livres, distribués par Interforum, un des poids lourds du secteur en France.
Ki-oon signifie en japonais « avoir le cur rempli d’émotions ». Le choix de ce nom n’est pas anodin. Pour Ahmed Agne, il résume l’essentiel de ce qu’est le manga : « un média différent, exotique et amusant qui fait passer de l’émotion au lecteur ». Pour renouveler ses éditions, il se rend deux fois par an au pays du Soleil-Levant, en quête de nouveaux dessinateurs et de nouveaux contrats d’adaptation. C’est sans doute grâce à sa maîtrise de la langue qu’il réussit en quelques années seulement à s’imposer face à ses vingt-cinq concurrents, comme les célèbres éditions Soleil et Glénat. Il n’est d’ailleurs pas peu fier d’avoir, pour la première fois en janvier dernier, partagé avec eux le stand « Manga » du festival d’Angoulême. Ce qu’il a préféré, dit-il, c’est le contact avec le public, rencontrer les amateurs de cet art qui prend chaque jour une part plus grande dans l’univers de la bande dessinée.
Mais l’ambition de ce jeune issu de la banlieue ne s’arrête pas là. Il est récompensé en juillet 2006 en devenant l’un des lauréats du concours Talents des cités. Il s’est engagé dans cette aventure « pour que les jeunes n’hésitent pas à se lancer » et aient un exemple de réussite qui leur ressemble. Ahmed ne déplore qu’une chose : le manque de points de vente en Afrique pour diffuser son art, alors que « le public existe ». Une chose à laquelle il tentera de remédier, c’est certain.

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