Forum PPP en Tunisie : 33 projets, 5,4 milliards d’euros en jeu et beaucoup de questions

Un port à Enfidha, une usine de dessalement à Gabès, l’agrandissement de la route Sfax-Kasserine… Le Forum international sur les partenariats public-privé (PPP), qui se tient demain à Tunis, est l’occasion pour le gouvernement de présenter ses projets structurants aux investisseurs internationaux. Et tâcher de les convaincre d’y participer.

Chantiers dans la cité Ennasr au nord de Tunis (Tunisie). © Heifel Ben Youssef pour JA

Chantiers dans la cité Ennasr au nord de Tunis (Tunisie). © Heifel Ben Youssef pour JA

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Publié le 17 septembre 2018 Lecture : 3 minutes.

Un millier de participants, investisseurs industriels et financiers, dont 250 entreprises étrangères, sont attendus mardi 18 septembre à Tunis, à l’occasion du Forum international sur les partenariats public-privé (PPP). Ils devront juger de la pertinence de financer un port en eau profonde, une usine de dessalement, un pont entre l’île de Djerba et le continent ou encore une cité gouvernementale à Tunis : 33 projets structurants seront passer au crible, pour un coût total de 17,5 milliards de dinars (5,4 milliards d’euros).

Cette journée s’annonce aussi stratégique pour les autorités que Tunisia 2020, le sommet sur l’investissement de décembre 2016. Le gouvernement veut montrer que le pays demeure attractif malgré une situation macroéconomique dégradée et que les réformes structurelles portent leurs fruits. La rencontre a été rendu possible grâce à la Loi sur les partenariats public-privé votée en 2015.

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Pas de signatures immédiates

Pour Zied Ladhari, le ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, ce forum doit permettre « de réaliser des projets importants et rentables utilisant des technologies de pointe et de créer un terrain propice au transfert de connaissance et de technologies au profit du secteur public ».

Un enthousiasme que les deux co-organisateurs, la Société financière internationale (IFC), filiale de la Banque mondiale dédiée au secteur privé, et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), modèrent. Pour Georges Joseph Ghorra, le représentant de IFC en Tunisie, il ne faut s’attendre à aucune signature mardi : « l’objectif est de permettre à l’État de se rendre compte des projets qui intéressent le plus les investisseurs afin de proposer en décembre ou janvier six à huit appels d’offres ».

Une prudence d’autant plus justifiée qu’au lendemain de Tunisia 2020, le gouvernement s’était félicité de la signature d’accords pour la somme de 14 milliards d’euros. Deux ans plus tard, à peine 5 % des chantiers ont vu effectivement le jour, avait rappelé Anouar Maârouf, ministre des Technologies de l’information et des Communications, au micro de la radio nationale en juillet dernier.

Le retour du port d’Enfidha

Le projet phare du forum est la construction du port en eau profonde d’Enfidha, véritable serpent de mer depuis une quinzaine d’années. Déjà présentée lors de Tunisia 2020, ce projet, estimé à 3,3 milliards de dinars (1 milliard d’euros), représente quasiment un cinquième des investissements sélectionnés.

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Il a pour objectif de doter la Tunisie d’une infrastructure portuaire capable de concurrencer Tanger-Med, avec une capacité à horizon 2030 de 2,6 millions d’EVP (équivalent vingt pieds) par an, contre 3,3 millions pour le port marocain.

Les responsables vont devoir séduire les investisseurs potentiels. Faisant concurrence au projet d’Enfidha, ces derniers exigeront certainement que les travaux de modernisation sur le port de Radès soient annulés, ce qui risquerait d’asphyxier encore un peu plus le commerce maritime tunisien déjà mal en point.

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Un flou juridique

L’Instance générale de partenariat public-privé (IGPPP), créée en 2016, aura fort à faire pour ses véritables premiers pas en tant qu’organe officiel. Surtout que l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) préconisait dans un rapport de commencer par « des projets moins complexes et d’envergure relativement modeste » afin que les autorités contractantes « puissent consolider leur expérience en matière de PPP ».

Le flou juridique entretenu par la législation sera également pointé du doigt par les visiteurs. Le pouvoir est encore en train de toiletter sa législation sur les concessions. La loi PPP de 2015 contient des points litigieux qui pourraient faire fuir les investisseurs. L’OCDE recommande par exemple de réviser certaines dispositions, notamment celle concernant la rupture de contrat en cas de force majeure ou d’intérêt public.

Antoine Sallé de Chou, chef du bureau de la Berd en Tunisie, assure que les PPP peuvent s’amorcer « sans cadre légal parfait ». L’expert espère que ce forum permettra au pays de suivre l’exemple de la Jordanie, où les projets de PPP sont les plus nombreux au monde par rapport à la population et à la taille du pays.

Une citée gouvernementale à 463 millions d’euros ?

À en croire les fiches techniques, certains projets sont mûrs pour faire partie des 6 à 8 projets pouvant faire l’objet d’un appel d’offres comme le port de Enfidha, la station de dessalement à Gabès ou l’agrandissement de la route nationale entre Sfax et Kasserine.

D’autres apparaissent beaucoup moins crédibles : six n’ont pas été chiffrés ; d’autres ont une fiche technique qui tiennent en une page à peine ; enfin, certains semblent irréalistes comme le tronçon tunisien d’une ligne de chemin de fer à grande vitesse trans-maghrébine entre Casablanca et Tripoli pour 2,6 milliards de dinars (803 millions d’euros) et l’édification d’une cité gouvernementale à Tunis pour un montant de 1,5 milliard de dinars (463 millions d’euros).

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