[Chronique] Afrique du Sud : le « hashtag » d’il y a 73 000 ans
Artistes, scribes ou simples gribouilleurs ? Les premiers dessinateurs pourraient être africains. C’est dans une grotte d’Afrique du Sud qu’à été découvert le plus ancien exemple de dessin abstrait, exécuté sur de la roche siliceuse.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 17 septembre 2018 Lecture : 2 minutes.
L’Afrique ne se serait pas contentée d’être le berceau de l’humanité que décrivent les paléontologues et les généticiens. Elle aurait aussi été pionnière en matière de production graphique. Dans la revue Nature, une équipe internationale de chercheurs de Bordeaux et Toulouse, en France, a révélé le 12 septembre dernier la découverte de ce qui apparaît, à ce jour, comme le plus vieil exemple de dessin.
Tracé avec un crayon d’ocre pourvu d’une fine pointe, sur une surface préalablement lissée, ce graphisme abstrait a été identifié sur un fragment de roche siliceuse provenant de la grotte de Blombos, à 300 kilomètres à l’est de la ville du Cap, en Afrique du Sud. Il a été trouvé sur des couches archéologiques datées de 73 000 ans avant l’ère actuelle, sur un fragment de ce qui pourrait être une meule destinée à produire de la poudre d’ocre. Ce tracé précède donc de 30 000 ans environ les plus anciens dessins abstraits et figuratifs connus jusqu’à présent et réalisés avec la même technique.
Le « croquis » est composé de neufs traits rouges entrecroisés qui ne sont pas sans rappeler le hashtag de Twitter
En forme de hashtag ?
Forme d’art ou sorte de codification linguistique, le « croquis » d’environ 4 centimètres de long est composé de neufs traits rouges entrecroisés qui ne sont pas sans rappeler l’ultramoderne hashtag si cher au réseau social Twitter. Dans l’esprit des spécialistes, il ne fait aucun doute que ces croisillons ne sont pas le fruit du hasard, qu’ils ont été volontairement tracés et qu’ils avaient sans doute une vocation symbolique dans la communication – plus que dans l’expression artistique – des chasseurs-cueilleurs qui en sont les auteurs.
Le motif de ce fragment de silcrète fait d’ailleurs écho à d’autres objets graphiques comparables et présents dans la même zone sud-africaine, notamment dans cette grotte de Blombos fouillée depuis 1991 par le chercheur sud-africain Christopher Henshilwood. La nouveauté vient du fait que les symboles découverts étaient jusque-là le fruit d’un travail de gravure et non de tracés de dessins.
Quête d’écriture
Les chercheurs projettent-ils de façon anachronique l’ère contemporaine sur de très anciens dessins qui pourraient n’être que de simples gribouillages ?
Des études scientifiques poussées, allant de multiples reproductions au pinceau ou à la pointe jusqu’à des analyses microscopiques, chimiques et tribologiques (la science du frottement et de l’usure) semblent concorder : au-delà de la technique, l’emploi, par les premiers Homo sapiens, de différentes techniques pour reproduire des motifs similaires sur des supports différents laisse supposer une utilisation symbolique de signes qui préfigureraient une quête d’écriture.
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