L’Afrique, out of Avignon ?

Absent de la programmation officielle du Festival d’Avignon, le continent africain est néanmoins présent à travers une vingtaine de pièces du « off ».

Publié le 28 juillet 2008 Lecture : 3 minutes.

Le metteur en scène d’origine libanaise Wajdi Mouawad a été l’une des principales vedettes du 61e Festival d’Avignon, qui a fermé ses portes le 26 juillet dernier. Avec sa pièce Seuls, créée en 2007, il a offert aux festivaliers un moment de théâtre inoubliable. Les mondes arabe et africain sont traditionnellement peu présents dans le cadre de la manifestation officielle – le « in », pour les intimes. Wajdi Mouawad, lui, est déjà venu à Avignon en 1999 ; il avait alors présenté l’une de ses premières pièces, Littoral.
Cette année, Seuls était sans conteste l’un des meilleurs spectacles du Festival tant il est riche en paroles, en images et en inventions dramatiques. Mouawad interprète lui-même le rôle-titre. Seul sur scène, il invite les spectateurs à le suivre dans les méandres d’une pensée sur soi et sur le monde non dépourvue d’humour et d’autodérision. Deux heures de grâce dont on sort bouleversé, ébloui, conquis !
Autre spectacle qui sublime la parole d’Orient, la pièce tirée du premier roman de la jeune Franco-Marocaine Saphia Azzeddine, Confidences à Allah, était présentée hors programmation officielle. Cette création du théâtre avignonnais du Chêne noir, dirigé par Gérard Gelas, met en scène Jbara, petite bergère du Maghreb devenue prostituée puis femme d’imam. La jeune fille s’entretient avec Allah, lui confie ses malheurs d’être née femme et pauvre dans une société patriarcale, ­pieuse et hiérarchisée. Elle le prend à témoin, l’interpelle, l’hexorte. Magistralement interprétées par la jeune comédienne Alice Belaïdi, la souffrance et les interrogations de Jbara entrent en résonance avec l’actualité brûlante de notre monde guetté par l’intolérance et l’hypocrisie. Une interprétation tout en finesse qui fait l’événement du « off », riche pourtant de près d’un millier de spectacles qui ont déjà attiré 740 000 spectateurs, contre 125 000 billets vendus pour les spectacles du « in ».
Véritable fourmilière de talents et de créations originales, le « off » est aussi l’espace de prédilection des Africains. Cette année, les festivaliers ont le choix jusqu’au 2 août entre une vingtaine de spectacles allant du conte au jazz, en passant par des lectures originales comme celles qu’organise le Théâtre de la Chapelle du Verbe incarné, dirigé par le Guadeloupéen Greg Germain. Ce dernier a accueilli, le 15 juillet, l’Ivoirien Koffi Kwahulé, dont la cité des Papes a pu savourer le langage somptueux et désarçonnant.
Mais l’événement africain de cette édition 2008 a lieu au Théâtre des Doms, qui présente l’émouvant Africare, du metteur en scène belge Lorent Wanson. La pièce s’appuie sur le chant, la danse, des extraits vidéo et des témoignages pour raconter la guerre au Congo, et plus généralement le désastre d’un continent dont les rêves ont brûlé au contact de soleils trompeurs. L’Afrique selon Wanson, c’est l’Icare des temps modernes, un rapprochement poétique et poignant suggéré par un plateau transformé pour l’occasion en une mer de plumes.
Parmi les autres spectacles africains marquants, l’adaptation de la nouvelle d’Emmanuel Dongala A Love Supreme, qui raconte les déchirements de l’Amérique noire, sur des partitions de Coltrane ; la production de la compagnie Théâtre inutile Happy End, de Kossi Efoui, qui n’a de happy que le sarcasme de ses personnages de bouffons dialoguant sur la fabrication de guerres et de paix perpétuelles ; enfin, le spectacle bien nommé Zinimo Zinimo Zi, d’Akonio Dolo, qui entreprend de raconter des contes dogons évoquant des chasseurs, des perroquets et des ogresses, tous facétieux et enchanteurs.

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