Jack Lang contre les barons
Seul parlementaire socialiste à avoir voté la réforme constitutionnelle, l’ancien ministre de François Mitterrand sème la discorde dans les rangs de son parti.
L’arithmétique est têtue. Quoi qu’en disent nombre de médias et certains responsables socialistes, la réforme constitutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy n’a pas été adoptée grâce à la seule voix de l’ancien ministre Jack Lang. La majorité requise pour l’adoption était de 538 voix. Le 21 juillet, le texte en a obtenu 539. Soit deux voix de majorité. Même si le député du Pas-de-Calais s’était rangé aux côtés de ses amis, les modifications auraient donc été adoptées.
Reste que le symbole est fort. Contre l’ensemble des députés et sénateurs socialistes, Lang a choisi de voter un texte que ses amis n’ont cessé, depuis des semaines, de présenter comme une tentative de mainmise de Nicolas Sarkozy sur les institutions de la République.
Une décision qui n’a rien d’une surprise : nommé il y a un an par le chef de l’État vice-président du « comité de réflexion sur les institutions » au côté d’Édouard Balladur, l’ancien ministre de la Culture – qui est aussi professeur de droit – se trouve être un des principaux artisans des modifications soumises à l’approbation du Parlement.
Il lui était donc impossible, à Versailles, de se soumettre à la discipline de son parti. Sauf à se déjuger et à reconnaître implicitement qu’il s’était fourvoyé en acceptant de siéger dans cette commission. À l’époque, déjà, les ténors du PS n’avaient pas ménagé leurs critiques contre la présence de Lang au sein d’une instance qui devait son existence à Sarkozy. Mais l’élu de Boulogne-sur-Mer avait ignoré l’avertissement.
« En 2012, année de la prochaine élection présidentielle, Jack aura 73 ans, souligne un baron du PS. Il n’a plus le temps d’attendre une éventuelle alternance pour revenir sur le devant de la scène politique. C’est pour cela qu’il a accepté la proposition de Sarkozy. Et c’est encore pour cela qu’il a voté pour la réforme constitutionnelle. » Au risque d’une exclusion, à en croire les déclarations tonitruantes des uns et des autres.
« Fleuve de la honte »
Le porte-parole du PS, Julien Dray, plaide publiquement en ce sens. Jean-Marc Ayraut, le président du groupe socialiste à l’Assemblée, a d’ores et déjà écarté le député Lang des réunions du groupe. Quant à Ségolène Royal, elle a préféré citer François Mitterrand : « Sur le chemin de la trahison, il n’y a que le fleuve de la honte à traverser. » Un ton en dessous, François Hollande, le premier secrétaire du PS, s’est contenté d’appeler le fautif « à prendre ses responsabilités ».
« C’est de la gesticulation, tempère un proche du désormais pestiféré. On est à trois mois du congrès du parti et chacun cherche à se présenter comme l’adversaire le plus radical de Sarkozy. Attaquer Lang est payant et sans grands risques. Mais il n’y aura pas de vraies sanctions : même les socialistes qui ont accepté d’entrer au gouvernement n’ont pas été formellement exclus. Au pire, on va le mettre au piquet pendant quelques moisÂÂ »
Et puis, surtout, Jack Lang n’est pas seul. Quelques semaines avant le vote, dix-sept parlementaires socialistes ont fait paraître dans Le Monde une tribune critiquant le refus de leurs dirigeants de voter la réforme. Critique réitérée par quatre d’entre eux, dès le lendemain du scrutin, dans une seconde tribune où ils dénoncent le règne au sein du PS d’un « anti-sarkozysme pavlovien qui le conduit à s’opposer systématiquement à tout projet émanant du président de la République ».
Il y a quelques jours, une rumeur persistante annonçait la nomination de Lang au poste de Défenseur des droits – un médiateur de la République aux compétences élargies -, fonction justement créée par la récente réforme. Le « prix de la trahison », s’indignent ses détracteurs. Une fonction qui convient parfaitement à un homme « capable de faire passer l’intérêt du pays avant ses convictions », rétorquent ses partisans.
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