Afrique du Sud : la justice légalise la consommation de cannabis à titre privé
La justice sud-africaine a décriminalisé mardi la consommation de la marijuana à titre personnel pour les adultes, épilogue judiciaire d’un dossier qui suscite la polémique depuis des années dans le pays.
La loi interdisant la consommation de marijuana à domicile par des adultes est « anticonstitutionnelle et par conséquent nulle », a déclaré le juge Raymond Zondo en lisant le verdict rendu à l’unanimité par la plus haute instance judiciaire d’Afrique du Sud. « Ce ne sera plus un délit pour un adulte de consommer ou de posséder du cannabis à titre privé pour sa consommation personnelle à domicile », a-t-il ajouté.
La Cour, basée à Johannesburg, a aussi autorisé la culture à domicile de la marijuana et ordonné au Parlement de rédiger dans les deux ans une nouvelle loi conforme à sa décision.
Dans l’enceinte du tribunal, des dizaines de partisans de la légalisation ont applaudi à tout rompre ce jugement historique, tandis qu’à l’extérieur plusieurs d’entre eux profitaient déjà de la décision en fumant sans retenue.
En 2017, un tribunal de la province du Cap occidental (sud) avait déjà jugé anticonstitutionnelle l’interdiction faite aux adultes de consommer du cannabis à domicile. Cette décision avait de fait décriminalisé l’usage de cette drogue dans la province.
Mais les ministères de la Justice, de la Police, de la Santé et du Commerce avaient saisi la Cour constitutionnelle, estimant qu’« il y avait une preuve objective des effets négatifs du cannabis ».
« Grande victoire »
Face au gouvernement, des consommateurs de marijuana avaient défendu son usage, arguant que l’interdiction du cannabis « s’immisçait de façon injustifiable dans la sphère privée » et contrevenait ainsi à leurs droits constitutionnels.
La justice leur a donné raison mardi. Son jugement ne décriminalise toutefois pas l’usage de la marijuana en public, ni sa commercialisation. « L’herbe est légale maintenant », pouvait-on lire sur des panneaux brandis par des manifestants fous de joie devant le tribunal.
« Je suis heureux. Je ne serai plus poursuivi pour possession » de marijuana, s’est réjoui Ruaan Wilson, 29 ans, entre deux bouffées. « Maintenant, la police peut se concentrer sur les vraies drogues et les criminels », a-t-il estimé. « Je fume depuis 1968 et aujourd’hui ce jugement sèche mes larmes et celles de tous les rastas », a réagi Girma Anbessa, Sud-Africain de 60 ans.
La possession, la culture et la consommation de marijuana – même en petite quantité – étaient jusqu’à présent interdites et passibles de peines de prison. « Ce jugement aurait du être rendu depuis longtemps », a réagi Moses Mayekiso, président du parti du Changement démocratique africain. La marijuana a « le pouvoir d’aider la population, économiquement et sur le plan médical », a-t-il ajouté.
La Cour constitutionnelle aurait dû aller plus loin, a cependant estimé Jeremy Acton, du parti Dagga, qui défend les droits des consommateurs de cannabis. « Ce n’est pas assez. On devrait également être autorisé à avoir du cannabis en public », a-t-il déclaré.
La communauté scientifique divisée
Dans le monde, le statut légal de l’usage du cannabis varie grandement. Au Portugal, par exemple, sa possession et sa consommation sont largement décriminalisées, tandis qu’en Arabie saoudite, les consommateurs encourent la peine de mort. La décision de la Cour constitutionnelle sud-africaine s’inscrit dans la droite ligne des recommandations de l’ONU, qui en 2016 avait appelé les États à « réexaminer leurs politiques et leurs pratiques » en matière de cannabis après des décennies de répression.
Pour Phephsile Maseko, de l’organisation sud-africaine des médecins traditionnels, le jugement rendu mardi est « une grande victoire, non seulement pour les praticiens de santé, mais aussi pour nos patients ».
« Nous utilisons le cannabis pour l’anxiété, les coliques chez les enfants. On l’utilise aussi comme antiseptique, le tout en secret depuis des années. Maintenant on va pouvoir développer la plante et créer de nouveaux médicaments sans peur d’être stigmatisés », a estimé Mme Maseko.
La communauté scientifique demeure, elle, divisée sur les bienfaits médicaux du cannabis. En 2017, l’Académie américaine des sciences avait proposé une synthèse de plus de 10 000 travaux parus sur les effets de la plante. Si elle est efficace pour réduire la douleur dans certains cas, avait-elle estimé, trop de zones d’ombre demeurent encore sur son impact.
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