Fulgence Ouedraogo

À 22 ans, le rugbyman franco-burkinabè compte déjà huit sélections avec les Bleus. Son rêve ? Participer à la Coupe du monde 2011. Et, autant que possible, la gagner.

Publié le 28 juillet 2008 Lecture : 5 minutes.

Depuis la place royale du Peyrou, à Montpellier, dans le sud de la France, on aperçoit le stade Yves-du-Manoir, à 2 km de là en direction de l’ouest. L’entrée du complexe sportif flambant neuf est surmontée d’une photo géante de Fulgence Ouedraogo, l’étoile montante du club de rugby local, huitième du dernier Top 14, le championnat de 1re division.
Le jeune (22 ans) prodige vient d’honorer sa huitième sélection en équipe de France, à l’occasion d’une tournée en Australie, début juillet. En dépit de deux sévères défaites contre les Wallabies, c’était sans doute la meilleure manière de fêter le premier anniversaire de son arrivée chez les BleusÂÂÂ
Flash-back. En juin 2007, « Fufu », comme le surnomment ses coéquipiers, reçoit un appel téléphonique qu’il n’est pas près d’oublier. Au bout du fil, Bernard Laporte, l’entraîneur du XV de France – aujourd’hui secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports. Le coach lui demande de rejoindre de toute urgence l’équipe en partance, dès le lendemain, pour la Nouvelle-Zélande, où l’attendent les terribles All Blacks. D’abord, il n’y croit pas, puis doit se rendre à l’évidence : le voilà brusquement propulsé parmi ses idoles, les Thomas Castaignède, Sébastien Chabal et autres Raphaël IbañezÂÂÂ « J’étais comme un gosse, se souvient-il, je voulais leur demander un autographe ! »

Las, L’euphorie retombe au mois de septembre suivant : Fulgence apprend qu’il n’est pas sélectionné pour la Coupe du monde en France. Réaliste, il admet aujourd’hui qu’il n’y avait « rien à espérer ». Mais cette absence ne signifie pas que son avenir en bleu soit bouché, bien au contraire : après l’échec des vieux briscards au Mondial, Marc Lièvremont, Émile Ntamack et Didier Retière, les nouveaux entraîneurs, jouent la carte de la jeunesse. Avec de nombreux autres espoirs, il est retenu pour le Tournoi des six nations 2008. Victorieux dès son premier match, contre l’Écosse, il marche d’emblée sur les traces des Serge Betsen, Yannick Nyanga et Thierry Dusautoir, ses glorieux aînés d’origine africaine.
Car Fulgence Ouedraogo est né en 1986 au Burkina. Antoine, son père, est directeur d’école et rêve de donner à son fils une solide formation scolaire. L’établissement qu’il dirige à Guirgo, un village situé à 50 km au sud de Ouagadougou, étant jumelé avec l’école de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues, une petite commune de la banlieue de Montpellier, il ne laisse pas passer l’occasion : Fulgence ira étudier en France, dès l’âge de 3 ans, puis, quand il sera devenu « un grand quelqu’un », comme on dit au Burkina, reviendra travailler au pays. Du moins l’espère-t-ilÂÂÂ

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« On l’a eu en prêt ! » plaisante Colette Massuard, sa mère adoptive, enseignante dans l’établissement où le jeune garçon a fait sa scolarité. « Ils ont voulu me donner les meilleures chances de réussir », dit aujourd’hui Fulgence de ses parents biologiques, pour qui il éprouve de la gratitude, bien sûr, mais avec lesquels il n’entretient plus vraiment de rapports filiaux. Car, au fil des années, il a fini par s’enraciner en France, où il a désormais tous ses repères.
Quand même, il appelle chaque année Mireille et César, ses cadets restés au Burkina. Avec son patronyme, ils sont aujourd’hui les seuls liens qui le rattachent à son pays natal, où il ne s’est rendu qu’à trois reprises, pour de brefs séjours – le dernier remonte à une dizaine d’années.
Fulgence découvre le ballon ovale « par hasard », à l’âge de 6 ans. « On voulait que je fasse du sport, j’ai essayé le rugby et ça m’a plu », explique-t-il. Ses parents adoptifs l’inscrivent à l’école de rugby du Pic-Saint-Loup, pas très loin de chez lui. Les mercredis et les samedis, le gamin passe des heures à se forger un physique et un mental de battant. Son rêve ? Ressembler à Richie McCaw, le troisième ligne aile des All Blacks, l’un des meilleurs joueurs du monde. À 17 ans, Fulgence intègre le Montpellier Hérault Rugby Club (MHRC) où il achève sa formation dans l’équipe des 16-17 ans, avant de rejoindre l’équipe première.
Fufu devient rapidement le petit prodige du club à la fleur de ciste (une plante typique de la garrigue languedocienne). Didier Nourault, son entraîneur, apprécie sa persévérance : « C’est un joueur pourvu d’un très gros potentiel, mais qui, en plus, sait travailler pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixés. » Louis Picamoles, son coéquipier de Montpellier et de l’équipe de France, s’émerveille quant à lui de sa précocité : « C’est un surdoué qui a franchi le cap du haut niveau plus vite que la moyenne. Il est d’une rare maturité pour son âge. »
Sur un terrain, Ouedraogo ne passe pas inaperçu. « Il est sur tous les fronts en même temps, s’enthousiasme Julien Thomas, le demi de mêlée du MHRC. On dirait qu’il a trois poumons ! » En 2006, avec l’équipe de France des moins de 21 ans, il remporte la Coupe du monde et, l’année suivante, devient capitaine des Bleuets.

Son succès fulgurant ne l’empêche pas de rester humble. À sa réussite, le joueur trouve des explications toutes simples : la famille et les amis. Colette, sa mère adoptive, a toujours été là pour le soutenir. C’est elle qui l’a convaincu de ne pas négliger ses études. Fils obéissant, il a décroché son bac et suit désormais un cursus en comptabilité et gestion. « Je veux que les miens soient fiers de moi, c’est ce qui m’incite à toujours faire mieux », reconnaît-il.
C’est ainsi que Fulgence a réussi à chasser les doutes qui l’ont longtemps habité : « Petit, j’étais assez maigre, je n’avais pas le profil d’un rugbyman. Ma carrure ne s’est constituée que progressivement. » Aujourd’hui, le jeune homme a bel et bien hérité de la robustesse des Mossis du Burkina. Ses impressionnantes mensurations – 1,90 m pour 97 kg – sont idéales pour le troisième ligne aile qu’il est devenu. Comme un certain Ritchie McCawÂÂÂ Un poste qui nécessite puissance et rapidité afin de participer efficacement à toutes les phases de jeu, qu’elles soient offensives ou défensives.
À « Montpeul » où il vit dans un studio et se déplace en scooter, il aime, comme tous les jeunes de son âge, « voir des films au cinéma, boire un verre en ville ou se faire des restos ». À l’occasion, il va aussi à la pêche, un passe-temps qui « le repose », explique sa mère.
Fulgence consent volontiers aux sacrifices qu’impose le sport de haut niveau. Avec l’encadrement du MHRC, il s’astreint par exemple à un programme alimentaire drastique et à des séances de musculation intensives afin de gagner 8 kg de muscles supplémentaires, dans les épaules surtout. L’enjeu est en effet d’importance. Comme les rugbymen du monde entier, sa grande ambition, son obsession même, est de participer à la prochaine Coupe du monde, en Nouvelle-Zélande, dans trois ans. « 2011 sera une année spéciale. Pour moi, ce serait formidable d’en être ! » Et, mieux encore, de remporter l’épreuve, ce qu’aucun rugbyman français n’a encore jamais faitÂÂÂ

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