Burkina : les autorités confrontées à un nouveau défi sécuritaire dans l’Est

L’Est du Burkina Faso est en proie à une recrudescence d’attaques depuis le début de l’année. Le gouvernement affirme avoir déployé des moyens supplémentaires face à une nébuleuse dont les motivations restent encore floues.

Un soldat burkinabè des Forces armées nationales (FAN) lors d’une patrouille en décembre 2016 (illustration). © DR / DCRPA Burkina Faso

Un soldat burkinabè des Forces armées nationales (FAN) lors d’une patrouille en décembre 2016 (illustration). © DR / DCRPA Burkina Faso

Publié le 19 septembre 2018 Lecture : 4 minutes.

Alors que dans le Nord, l’armée burkinabè a considérablement affaibli les capacités de nuisance des combattants affiliés au groupe du prédicateur radical Malam Ibrahim Dicko autour de Djibo, un nouveau front émerge à l’Est.

Les attaques visant des civils, des membres des forces de sécurité et de défense ainsi que des symboles de l’État s’y sont multipliées au cours de ces derniers mois. Dernier événement en date, l’enlèvement d’un prêtre italien dans la région de Tillaberi, au Niger, à la frontière avec le Burkina, dans la nuit du 17 au 18 septembre. Selon plusieurs témoins, les ravisseurs se sont ensuite repliés avec leur otage au Burkina. Deux jours plus tôt, des individus armés non identifiés ont mené une double attaque dans l’Est. Bilan : huit morts et trois blessés.

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Depuis février 2018, ce sont pas moins de 22 attaques qui ont frappé la région. À chaque fois, le modus operandi est le même, et les cibles identiques : attaque contre des convois de l’armée au moyen d’engins explosifs improvisés et destructions de symboles de l’État – gendarmerie, postes forestiers, commissariats.

Même les Koglweogo, des milices d’auto-défense qui se sont créées ces dernières années face à l’insécurité grandissante dans plusieurs régions du pays, semblent démunies. Un responsable local des Kogleweogo confie même à Jeune Afrique avoir été menacé. Il lui aurait été demandé de « se tenir à l’écart de leur combat ».

Une nouvelle katiba ?

Les assaillants, qui se déplacent à moto, semblent maîtriser le terrain dans cette région forestière. Ces attaques, visiblement planifiées et très bien organisées, ne sont pourtant pas revendiquées. Une réunion de coordination en vue de créer une katiba jihadiste s’est tenue en mars dernier dans une localité frontalière du Niger, selon une source au sein des services de sécurité burkinabè. La plupart des combattants présents ont fait leurs armes au Mali.

Plusieurs sources sécuritaires évoquent même la création d’un « sanctuaire » jihadiste dans l’Est

Cette nébuleuse, dont les ramifications avec les groupes terroristes actifs dans la région – GSIM, AQMI, al Mourabitoune, etc. – restent encore floues, serait dirigée par un guide spirituel burkinabè. D’autres sources avancent que le logisticien du groupe, rompu au maniement des armes et en engins explosifs improvisés, serait un transfuge de la secte islamiste Boko Haram.

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>>> À LIRE – Burkina Faso : vaste opération antiterroriste dans le nord du pays

Traqués dans le septentrion par l’armée nigérienne et les troupes de la force conjointe du G5 Sahel appuyée par les forces de l’opération française Barkhane, ces combattants seraient en quête d’une nouvelle zone de repli. Plusieurs sources sécuritaires évoquent même la création d’un « sanctuaire » jihadiste dans l’Est.

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« Je ne sais pas si c’est Ansarul Islam qui est derrière ces attaques. Il m’est revenu que c’est un jihadiste traqué au Niger et sa bande, au sein de laquelle il doit y avoir des bandits, qui écument l’Est et se sont convertis en terroristes », abonde un autre responsable sécuritaire, se refusant à livrer plus de détails.

Des sources officielles burkinabè accréditent cette thèse. « En 2015, cette région, notamment la forêt du parc W, a connu une tentative d’implantation de groupes terroristes. Celle-ci a été mise en hibernation grâce aux différentes opérations menées dans le cadre de l’opération Tapoa », a déclaré le Premier ministre Paul Kaba Thiéba. Au cours de cette dernière, près de 200 présumés terroristes avaient été arrêtés par l’armée Burkinabè.

Une explication mise en doute par un haut gradé de l’armée, selon lequel les attaques n’ayant pas été revendiquées, « ce ne sont pas des terroristes ». Il s’interroge cependant sur ces « attaques planifiées » qui se concentrent uniquement sur le Burkina. « Je trouve vraiment incompréhensible le fait qu’ils ne font pas d’attaques dans les pays voisins », glisse notre source.

Opérations en cours


Devant l’Assemblée nationale, lundi 17 septembre, le Premier ministre a annoncé « le renforcement des capacités opérationnelles à travers l’équipement, l’entraînement ainsi que la formation des unités d’élite et de forces spéciales », afin d’accélérer la lutte contre le terrorisme. Il a également insisté sur les opérations conduites en interne et en coopération avec les pays voisins, dans le cadre d’organisation sous régionales, telles que le G5 Sahel.

Une source militaire locale a également déclaré à Jeune Afrique que des opérations sont actuellement en cours sur le terrain. « La situation commence à se stabiliser. Nos éléments des forces de défense et de sécurité ratissent la zone forestière, située près de la frontière entre le Bénin et le Niger. Des avions [de combat] sont également déployés pour apporter un renfort au troupes au sol », a précisé cette source.

Dans un communiqué publié mardi 18 septembre, le gouverneur de la région de l’Est « informe le public que la circulation routière entre les villes et les villages de la région est formellement interdite aux usagers se déplaçant en engin à deux roues ou en tricycles de 19 heures à 5 heures du matin pour compter du mardi 18 septembre 2018 jusqu’à nouvel ordre », le document précise par ailleurs que les véhicules automobiles, de transport de personnes ou de marchandises, autorisées à circuler seront soumis à des contrôles stricts.

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