Mauritanie – Lô Gourmo Abdoul : « Si Aziz voulait changer la Constitution, ce serait un coup d’État »

Une semaine après la victoire du parti au pouvoir au second tour des élections législatives, régionales et locales en Mauritanie, le professeur de droit Lô Gourmo Abdoul affirme qu’une modification constitutionnelle permettant au président Aziz de briguer un troisième mandat est impossible, sauf coup d’État juridique.

Le chef de l’État mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, au siège des Nations unies en 2014. © John Minchillo/AP/SIPA

Le chef de l’État mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, au siège des Nations unies en 2014. © John Minchillo/AP/SIPA

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Publié le 21 septembre 2018 Lecture : 3 minutes.

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz à Nouakchott, le 2 juillet 2018. © Ludovic Marin/AP/SIPA
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Élections en Mauritanie : recomposition politique en cours

L’Union pour la république (UPR, parti au pouvoir) est arrivée largement en tête du premier tour des élections législatives du 1er septembre 2018. Mais les résultats de ce scrutin marqué par des problèmes d’organisation, montre d’ores et déjà une recomposition du paysage politique. Une nouvelle donne que devrait confirmer le second tour, qui se tient le 15 septembre.

Sommaire

Enseignant de droit public à l’Université du Havre, Lô Gourmo Abdoul est aussi le vice-président chargé de la communication et des relations internationales de l’Union des forces progressistes (UFP) mauritanienne. Il y bataille aux côtés du président du parti, Mohamed Ould Maouloud, pour en finir avec un pouvoir issu d’un coup d’État militaire en 2008, et réussir une alternance pacifique lors de l’élection présidentielle de 2019.

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Jeune Afrique : Pourquoi l’opposition n’a-t-elle pas pu confirmer, au deuxième tour des élections, les avancées qu’elle avait réalisées au premier ?

Lô Gourmo Abdoul : Les faiblesses du dispositif électoral, que nous avions constatées au premier tour, se sont amplifiées au second. Cela a été confirmé par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), qui a pointé par exemple le fait que seuls les membres des bureaux de vote appartenant au parti majoritaire pouvaient contrôler les cartes d’identité.

Dans les grandes villes, l’opposition était menaçante, mais il y a eu une volonté manifeste de la part du pouvoir de prendre la main sur le processus électoral. Les résultats tombaient au compte-gouttes, ce qui autorisait toutes les manipulations. Nous ne nous faisions pas d’illusions sur le résultat final, car le pouvoir avait mis le paquet.

S’il y avait eu un minimum de transparence, la présence de l’opposition au Parlement aurait été plus substantielle

Pour la première fois, l’opposition avait mis sur pied une coalition en bonne et due forme et, s’il y avait eu un minimum de transparence, notre présence au Parlement aurait été plus substantielle. C’est pour cela que le chef de l’État s’est lancé personnellement dans la bataille. Du jamais vu ! Il s’est montré très agressif vis-à-vis de l’opposition radicale, ciblant les islamistes. Des menaces ont été proférées à l’égard de certains candidats. On a agité un risque de chaos si nous l’emportions. Dans ce climat délétère, les notables ont eu peur et se sont réalignés.

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Pourquoi le parti islamiste Tawassoul s’est-il imposé comme le fer de lance de l’opposition ?

C’est clairement un parti qui a une dimension nationale. Ils ont présenté des listes et des candidats dans toute la Mauritanie. Ils s’étaient préparés de longue date, puisqu’ils en avaient les moyens. Ils n’avaient également pas boycotté les précédentes élections législatives et municipales. Ils avaient une longueur d’avance auprès de l’opinion, mais les votes ont été complexes.

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On a constaté un mouvement de mécontentement chez les électeurs. Dans la majorité, celui-ci s’est exprimé par la percée de l’Union pour la démocratie et le progrès (UDP). Dans l’opposition, il a profité à Tawassoul.

Croyez-vous à la possibilité que la majorité obtenue par son parti au Parlement permette au président de modifier la Constitution, afin de pouvoir se présenter en 2019 pour un troisième mandat ?

Non. Même s’il avait obtenu 100% des députés, la Constitution n’aurait pas été modifiable. S’il voulait la changer, ce serait un coup d’État.

Une modification du nombre des mandats présidentiels aurait des conséquences au-delà de la Mauritanie

Pour mobiliser son camp durant la campagne électorale, le président a agité le spectre d’un troisième mandat. Mais une modification du nombre de mandats présidentiels aurait des conséquences au-delà de la Mauritanie. Les chancelleries ont manifesté leur désir de voir respecter le principe de deux mandats seulement.

Quels projets l’opposition propose-t-elle pour la présidentielle de 2019 ?

Nous allons constituer un groupe parlementaire puissant, et accompagner le processus de transition jusqu’au départ d’Aziz. Nous serons des porte-voix. Nous rappellerons les frontières à respecter pour éviter une rupture catastrophique. Ce Parlement n’a pas vocation à durer, car le nouveau président cherchera à avoir une nouvelle majorité.

Qui sera ce président ?

Certainement quelqu’un de l’opposition, parce que le peuple aspire au changement.

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