[Chronique] Urbanisme : Ouaga, mon village capitale
«Villageois. » Pendant longtemps, le quolibet fut copieusement jeté à la figure de Voltaïques venus proposer leurs muscles aux propriétaires terriens des pays côtiers. Pas sûr, pourtant, que les victimes de cette idée reçue considèrent l’adjectif comme une injure.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 27 septembre 2018 Lecture : 2 minutes.
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Au Burkina Faso, le charme de la capitale réside justement dans son identité de « gros village ». Un village de quelque 3 millions d’habitants qui se dote de signes de modernité citadine sans trahir pour autant l’esprit de Ouagadougou. Face aux impératifs urbains, le bourg sahélien plie mais ne rompt pas…
Dans l’ancienne Woogrtenga de l’ex-Haute-Volta comme dans n’importe quel village, tout le monde semble connaître tout le monde. Revendiquant fièrement un minimum de racines provinciales, chaque Ouagalais emprunte du soumbala à ses voisins, auxquels il ne manque jamais de rendre visite les jours de fête. Aucune sommité n’est totalement inaccessible. On peut croiser la première dame dans une boutique et son époux dans une église.
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Bœufs stoïques
Les ressortissants de rues majoritairement non goudronnées pratiquent des « affairages » (commérages) bien plus efficaces que les buzz numérisés. Les « six-mètres » (petites rues de latérite, théoriquement de 6 m de largeur) sont dominées par des bicoques sans étages et ancrées dans des cours dont certaines abritent les sépultures de ceux qui firent l’acquisition de la parcelle. Dans les quartiers de Gounghin, à l’ouest, ou de Wemtenga, à l’est, les élevages de porcs commencent à se faire rares, mais des troupeaux de bœufs stoïques continuent de traverser le bitume, tandis que les charrettes tirées par des ânes semblent à peine désorientées par les bretelles des échangeurs.
On exproprie, on élargit, on fantasme, on baptise…
Des échangeurs ? En effet, Ouaga dispose tout de même de quelques infrastructures urbaines futuristes. Les autorités communales font face à l’accroissement de la population, à l’extension de la ville et aux gageures que celles-ci imposent en matière de distribution d’eau, de consommation d’électricité ou encore de circulation intra-urbaine.
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Alors on exproprie – modérément et consensuellement – afin de promouvoir des cahiers des charges plus urbains dans de nouvelles zones commerciales et administratives ; on élargit certaines voies de circulation au détriment d’arbres pourtant salutaires dans un pays de canicule ; on fantasme sur un tramway à l’horizon 2025 ; on baptise des rues dont on retranscrit les noms sur des plans que le commun des Ouagalais n’utilise encore guère. Nouvelle ville, nouvelle génération de citadins tout de même : pour les besoins du jeu Pokémon Go et par le truchement d’Instagram, la jeunesse ultraconnectée de Ouagadougou pratique peu à peu la géolocalisation, jouant à saute-mouton avec la culture de l’adressage.
À la frontière exacte entre les quartiers de la Patte-d’Oie et de Ouaga-2000, au milieu de Pikachu dont les anciens du quartier ne soupçonneront jamais la présence virtuelle, des maisons « 16 tôles » font face à des résidences dignes du palais du facteur Cheval. Ambiance kényane ? Non. À la différence du quartier Kibera, de Nairobi, aucun de ceux de la capitale burkinabè ne peut être qualifié de bidonville. Nouveau riche ou autochtone spartiate, tout le monde est le bienvenu à Ouaga, la métropole aux réflexes villageois.
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