Un livre bâclé et soporifique

Publié le 28 juin 2004 Lecture : 2 minutes.

Malheureusement pour le lecteur, l’autobiographie tant attendue de Bill Clinton, My Life, ressemble au discours soporifique qu’il prononça pour l’intronisation de Michael Dukakis lors de la convention démocrate nationale d’Atlanta, en 1988. Un discours tellement interminable et assommant que la foule avait applaudi lorsqu’il avait enfin prononcé les mots « Pour conclure… ». Le livre, qui s’étale sur plus de 950 pages, est bâclé, empreint d’autosatisfaction, et souvent extrêmement terne. L’auteur jacasse à n’en plus finir. Il ne s’adresse pas au lecteur mais à lui-même. À plusieurs égards, le livre est un miroir de la présidence Clinton : manque de discipline et occasions manquées, espérances minées par la complaisance et concentration défaillante. L’absence totale d’angle et d’ordre qui gâte ces pages a empêché Clinton d’approfondir son point de vue sur la poussée terroriste et sur le problème israélo-palestinien. Il semblait avoir tous les dons pour écrire de palpitants Mémoires : une plume, de l’érudition et du charme, combinés à une compréhension politique du monde et à une histoire personnelle extraordinaire. Mais My Life n’a rien à voir avec l’implacable franchise et le recul historique qui caractérisaient l’autobiographie d’Ulysses S. Grant. Écrit trop vite et édité à la va-vite, le livre est une litanie sans fin de menus, de discours, d’hommages aux électeurs et de dindes graciées pour Thanksgiving. Il y a des passages fascinants sur les efforts du président pour négocier un accord de paix au Proche-Orient (il y suggère que Yasser Arafat paraissait confus, ne maîtrisant plus vraiment les choses), mais il y a aussi d’interminables descriptions de vieux débats politiques dans l’Arkansas sur les vignettes automobiles… Et si Clinton confesse que son affaire avec Monica Lewinsky était « immorale et insensée », il consacre bien plus de place à régler leur compte au procureur indépendant Kenneth Starr et à la presse.
Le problème, c’est que l’ancien président souhaite valoriser son héritage tout en cherchant à booster la carrière politique de la sénatrice Hillary Rodham Clinton. Persuasif pour expliquer ses réussites comme la réforme de la sécurité sociale ou la réduction des déficits, il passe ainsi plus rapidement sur l’échec de son initiative de santé, chapeautée par son épouse.
En revanche, ses souvenirs de jeunesse sont d’une touchante franchise, et le personnage qui émerge de ces pages n’est guère différent de celui que le public connaît déjà : infatigable, dynamique, puéril, entier et optimiste, pétri de contradictions et aimant compartimenter les différents aspects de sa vie. L’autobiographie du premier président baby-boomer des États-Unis, lue après le 11 septembre, ressemble étrangement à un artefact venu d’une époque lointaine et plus innocente.

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