Poutine, Bush et les Tchétchènes

Publié le 28 juin 2004 Lecture : 2 minutes.

La guerre en Tchétchénie a causé la mort de 180 000 civils (17 % de la population) et fait deux fois plus de sans-abri. Des milliers d’innocents ont disparu sans laisser de trace, kidnappés par les militaires russes. Certains ont été rendus à leur famille – morts ou vifs – après paiement d’une rançon. D’autres ont été découverts dans des fosses communes, atrocement défigurés par la torture.
Avant les attentats du 11 septembre 2001, l’Occident dénonçait régulièrement les violations massives des droits de l’homme en Tchétchénie et les atteintes à la liberté d’expression en Russie. Les démocrates tchétchènes et russes se sentaient soutenus moralement. Le problème tchétchène était pris pour ce qu’il était : une conséquence de la désintégration de l’URSS, qui pouvait être réglée par la négociation.
Tout a basculé le 11 septembre 2001, quand le président Poutine a soutenu George W. Bush dans sa lutte contre le terrorisme mondial. En échange de quoi la guerre en Tchétchénie est devenue un prolongement de la guerre contre la terreur. Les atrocités qui y sont commises dépassent en nombre celles qui ont été perpétrées en Bosnie ou au Kosovo. Mais alors que Slobodan Milosevic est sur le banc des accusés au tribunal de La Haye, Poutine, lui, parade au sommet du G8.
En tant que membres du dernier gouvernement démocratiquement élu en Tchétchénie, que pouvons-nous dire à nos concitoyens ? Que, pour les Américains, nous ne sommes pas dignes de vivre dans la paix et la liberté ? Que nous avons été sacrifiés au partenariat stratégique avec la Russie ? Que les Russes auront le droit de nous massacrer tant que Ben Laden sera en fuite ? Comment s’étonner, dans ces conditions, que notre jeunesse n’écoute pas nos appels à la modération et rejoigne les rangs des kamikazes ? Depuis le 11 septembre 2001, la Tchétchénie est devenue un enjeu entre l’Occident et le monde islamique. Aujourd’hui, des prières pour l’Irak, la Palestine et la Tchétchénie sont récitées dans un même élan dans les mosquées du monde entier. Nous n’y sommes pour rien : c’est l’Occident qui, par son attitude, nous a mis dans cette situation.

George W. Bush s’est excusé pour les actes commis par ses hommes à Abou Ghraib et a déclaré qu’il réactiverait la feuille de route pour le Moyen-Orient. Accorde-t-il la moindre pensée à ce qui se passe dans le coeur de centaines de millions de musulmans ? Si tel était le cas, j’aimerais l’entendre présenter des excuses au nom de l’un de ses alliés. J’aimerais qu’il dise aux musulmans que le massacre de leurs frères tchétchènes n’a rien à voir avec l’idée que l’Amérique se fait de la démocratie, que les tueries, la torture et les humiliations ne font pas partie de la guerre contre la terreur. Alors, seulement, nous pourrions échapper à ce choc des civilisations auquel la politique du « deux poids deux mesures » et la rhétorique vide de George W. Bush nous condamnent.

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* Vice-Premier ministre de la République tchétchène d’Ichkérie, il bénéficie de l’asile politique en Grande-Bretagne.

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