Musulmans à l’affiche
À Paris, une exposition propose un voyage dans le monde islamique en cinq escales : Le Caire, Dakar, Istanbul, Téhéran et… Paris.
L’islam est à la mode. Les expositions réunissant des artistes inspirés par cette religion se multiplient. En 2003-2004, plusieurs villes de Grande-Bretagne ont accueilli Veil (« voile »), manifestation regroupant les travaux d’une quinzaine d’artistes contemporains. Jusqu’au mois d’avril 2005, le musée du Louvre présente une sélection d’oeuvres du Metropolitan Museum Art of New York, qui possède l’une des plus belles collections d’art islamique au monde. Et voilà qu’à Paris encore le pavillon Paul-Delouvrier du Parc de la Villette abrite jusqu’au 15 novembre une exposition intitulée Musulmanes, musulmans, qui, nous dit-on, a été « conçue bien avant la tragédie du 11 septembre ».
Regroupant des photographies, des oeuvres plastiques et des vidéos, la manifestation propose un voyage dans le monde musulman en cinq escales : Le Caire, Dakar, Istanbul, Téhéran et… Paris. On regrettera seulement l’absence d’une ville du Maghreb.
Commençons par ce Caire très pieux et terriblement moderne que nous dévoile Nabil Boutros. La mosquée de Dreamland, dans les nouveaux faubourgs de la capitale, semble avoir été érigée pour le tournage d’une production hollywoodienne. C’est cette globalisation (pour ne pas dire américanisation) du paysage urbain cairote avec ses centres commerciaux ultramodernes et ses panneaux publicitaires pour MasterCard que nous donne à voir ce photographe égyptien. Son reportage étaye si bien la théorie d’Olivier Roy, chercheur spécialiste de l’islam et commissaire de l’exposition, concernant « l’occidentalisation de l’islam » qui désormais compte ses Cola et ses fast-foods hallal.
On note le même souci de capter le moderne là où on l’attend le moins lorsque Reza Moattarian saisit sur la pellicule des jeunes filles en survêtement Adidas et fichu sur la tête en train de jouer au foot dans une rue de Téhéran. À Istanbul, Manuel Çitak s’est lui aussi attaché à montrer une capitale dans toute son ambiguïté laïque et religieuse. Haute en couleur, la partie consacrée à Dakar propose une série de sous-verres (suwer en wolof) figurant des scènes religieuses marquées par le caractère confrérique de l’islam sénégalais.
Autant les photos prises à Téhéran, au Caire et à Istanbul tranchent avec les clichés habituellement colportés, autant le regard que porte Patrick Zachmann sur les musulmans de Paris semble aller à peine plus loin que celui des médias. S’il montre la pluralité des communautés pratiquant l’islam à travers notamment des portraits de femmes n’affichant pas forcément leur foi de façon ostensible, il n’aborde guère les aspects hédonistes du ramadan. Heureusement, la programmation audiovisuelle permet, à ceux qui en prennent le temps, de découvrir d’autres facettes de la vie des musulmans de Paris.
Il convient en effet de souligner la riche sélection de vidéos et de documentaires projetés dans l’un des doubles espaces consacré à chaque ville. S’il est impossible de voir la totalité de cette programmation (près de cinq heures), il ne faut surtout pas rater le très inattendu Juste une femme de Mitra Farahani qui raconte le quotidien d’un transsexuel à Téhéran.
On ressort de cette exposition un tantinet dubitatif. Quel est son objectif ? Montrer que les musulmanes et les musulmans sont des gens comme les autres ? Cette exposition aurait mérité d’être un peu plus audacieuse en intégrant par exemple des oeuvres d’artistes qui explorent l’islam et par là même leur propre statut de musulman.
Musulmanes, musulmans, exposition jusqu’au 14 novembre 2004 au Parc de la Villette, 75019 Paris. Pour plus d’informations : www.villette.com
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