Louise Mushikiwabo : « L’espace francophone n’est pas mis en quarantaine au Rwanda »
On saura le 12 octobre, à Erevan, si Louise Mushikiwabo succédera à Michaëlle Jean à la tête de l’OIF. Alors que s’ouvre l’assemblée générale de l’ONU, rendez-vous crucial pour les deux concurrentes, la ministre rwandaise des Affaires étrangères s’est confiée à Jeune Afrique.
C’est à La Terrasse, sur le toit de l’hôtel Raphaël, à Paris, que Louise Mushikiwabo nous reçoit, encadrée par les deux monuments français les plus emblématiques : d’un côté, la Tour Eiffel, de l’autre, l’Arc de Triomphe. Faisant le parallèle avec la libération symbolique, quelques jours plus tôt, de plus de 2 000 prisonniers dont l’opposante Victoire Ingabire Umuhoza, à trois semaines du sommet d’Erevan, la candidate au poste de secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) lâche, dans un sourire, qu’il s’agit probablement d’« heureuses coïncidences ».
Adoubée par Paris, soutenue par l’Union africaine (UA), celle qui se prépare à abandonner le ministère des Affaires étrangères après neuf ans à ce poste n’envisage pas que l’échec soit une option. Après avoir avalé en deux mois plusieurs dizaines de milliers de kilomètres, d’Abidjan à Hanoï, en passant par Beyrouth ou Bucarest, Louise Mushikiwabo entend boucler à New York, à l’occasion de l’assemblée générale de l’ONU, une campagne menée tambour battant.
Elle revient pour Jeune Afrique sur sa vision de la Francophonie et sur la relation tumultueuse de son pays avec la France…
Jeune Afrique : Votre candidature à la tête de l’OIF a surpris. Confirmez-vous qu’elle a été inspirée par l’Élysée et que la proposition vous a d’abord été soumise par l’intermédiaire d’émissaires africains, notamment la diplomatie marocaine ?
Louise Mushikiwabo : Le principe de cette candidature a effectivement été d’abord discuté avec des pays amis, que je préfère ne pas citer, puis avec la France. J’ai pris le temps d’en parler avec le président Kagame et avec des collègues du gouvernement, et il nous a semblé que ce n’était pas une mauvaise idée.
Il est temps pour nous de jouer un rôle plus actif dans les organisations auxquelles nous appartenons
Comment les autorités rwandaises ont-elles réagi en apprenant qu’Emmanuel Macron souhaitait vous voir confier les clés de l’OIF ?
Avec un mélange de surprise et de plaisir. Car pendant longtemps, la Francophonie a été associée à la France, avec laquelle nous avons, comme chacun sait, des relations très compliquées.
Du côté rwandais, cette candidature est-elle un pied-de-nez à ce passé conflictuel ? Ou plutôt un geste d’apaisement ?
Elle témoigne en premier lieu de notre envie de jouer un rôle de premier plan au sein d’une organisation dont le Rwanda est membre depuis longtemps, mais envers laquelle notre enthousiasme s’était considérablement émoussé du fait des mauvaises relations avec la France.
Au cours des dernières années, mon pays a dépassé le stade de la reconstruction : il est passé à la consolidation de ses acquis. Il est donc temps pour nous de jouer un rôle plus actif dans les organisations auxquelles nous appartenons. C’est aussi cette démarche qui a guidé notre retour au sein de la CEEAC [Communauté économique des États de l’Afrique centrale]. Ce sont autant de signes de bonne santé politique et diplomatique.
De plus en plus, l’Afrique parlera d’une même voix
Vous dites que vous êtes au ministère rwandais des Affaires étrangères ce que sont « les meubles dans une maison ». Qu’est-ce qui aura marqué l’action diplomatique du Rwanda pendant ces neuf années ?
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