Mikhaïl Gorbatchev

Ancien président de l’URSS

Publié le 28 juin 2004 Lecture : 3 minutes.

A quoi songeait Mikhaïl Gorbatchev en se recueillant devant le cercueil de Ronald Reagan, le 11 juin à Washington ? Sans doute à ce « quelque chose de chimique, proche de l’amitié » dont parlait le président américain à son propos, à ce destin commun qui les unit, au milieu des années 1980, pour mettre fin à la guerre froide. Désarmement stratégique avec les États-Unis, ouverture à l’Ouest, réformes internes (la célèbre perestroïka) : Gorbatchev, alors secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique, créait l’événement. Mieux que cela, il faisait l’Histoire.
Depuis son départ en 1991, plus rien ne lui semblait à la mesure de sa stature d’homme d’État. Les Russes ne voulaient pas de lui ? La « gorbymania » s’effritait en Occident ? Qu’importe : la Terre avait besoin de son expérience. Le Prix Nobel de la paix a créé en 1993 – et préside toujours – la Croix-Verte internationale, une organisation à vocation écologique. Son objectif est d’amener les États à mieux gérer les conséquences des conflits armés sur l’environnement et à prévenir les conflits liés au contrôle des ressources naturelles.
La Croix-Verte, qui possède des antennes nationales dans vingt-huit pays, se préoccupe notamment de la gestion des ressources de l’eau, de la reconversion des bases militaires et de la destruction des stocks d’armes (notamment chimiques) datant de la guerre froide, de la décontamination des sites nucléaires…
Au fil des ans, Gorbatchev est devenu un conférencier itinérant, autant pour subvenir à ses besoins que pour financer cette ONG (dont le siège est à Genève) et sa fondation d’études politiques (à Moscou). Il porte la bonne parole sur tous les continents. En mai, c’était à Mexico. En février et en juin, à Barcelone, aux sessions préliminaires du Forum dialogues de la Terre.
À 73 ans, Gorbatchev n’aspire plus à revenir sur la scène politique russe. Le 23 mai, il a démissionné de la présidence du Parti social démocrate qu’il avait fondé en 1999 « pour incarner les valeurs de la gauche moderne ». Mais il aura mis du temps à se défaire de ses illusions. Il s’était présenté à la présidentielle de juin 1996 dans l’hostilité générale, rejeté par les nostalgiques du régime qui voyaient en lui le fossoyeur de l’URSS et par les libéraux qui lui reprochaient de ne pas avoir voulu rompre avec le système. Pourtant, le candidat s’était obstiné, persuadé d’avoir toutes ses chances, parlant de lui à la troisième personne. Il avait obtenu 1 % des voix…
Puis Gorbatchev écrivit ses Mémoires et s’égara jusqu’à accepter de tourner, avec sa petite-fille, une publicité à la gloire de Pizza Hut, la chaîne de restauration américaine. Pour 1 million de dollars, il est vrai… (destinés à construire un immeuble pour abriter sa fondation).
Le désespoir qu’on l’a vu manifester à la mort de son épouse Raïssa, en 1999, a contribué à changer son image en Russie. L’apparatchik a pris un visage humain. En 2003, il a enregistré un CD avec l’actrice Sophia Loren et Bill Clinton au profit d’une oeuvre philanthropique, jouant les narrateurs pour une nouvelle version de Pierre et le Loup, le conte musical de Prokofiev. Tous trois ont été récompensés par un Grammy Award, la plus haute distinction musicale aux États-Unis.

Paria sous Eltsine, il a acquis, sous Poutine, une autorité morale qui lui permet à la fois d’approuver la politique du président et de mettre en garde contre de possibles dérives autoritaires du régime. Mais s’il plaide pour un renforcement des liens entre son pays et l’Union européenne, il ne prêche plus pour la seule paroisse russe : la recherche d’un « partage plus équitable des bénéfices de la mondialisation » est désormais au centre de ses préoccupations. Tout comme l’instauration d’un nouvel ordre mondial reposant sur des règles qui « s’imposent à tous ». Rien d’étonnant à ce qu’il ait qualifié l’intervention américaine en Irak d’« erreur », au même titre que l’intervention soviétique en Afghanistan de 1979.
À l’aube de l’année 2000, il écrivait à George W. Bush : « J’espère que vous abandonnerez tout espoir que le XXIe siècle puisse ou doive être américain. » C’était une inquiétude de patriote russe. Mais aussi celle d’un citoyen du monde.

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