Les oasis de l’innovation
La Cité technologique des communications de Tunis vise à établir des liens entre le monde de la recherche et celui de l’entreprise pour créer des emplois. Une douzaine de technopoles sont actuellement en projet sur ce modèle.
Le développement des activités de « l’immatériel » devient une priorité en Tunisie : services spécialisés, industries à forte valeur ajoutée, recherche appliquée… Pour mieux rentabiliser leurs investissements, les autorités ont décidé de multiplier les technopoles. Réunir sur un même site des instituts scientifiques, des chercheurs et des entreprises de pointe, l’idée plaît beaucoup aux experts et aux visiteurs étrangers. D’ailleurs les bailleurs de fonds internationaux sont prêts à la financer.
Quand il entre à el-Ghazala, la Cité technologique des communications de Tunis, le visiteur a de quoi être impressionné. Le long de larges allées plantées de palmiers, d’eucalyptus et de buissons de roses, on aperçoit des bâtiments neufs et blancs. Ils hébergent notamment l’École supérieure des communications, le Centre de formation de Tunisie Telecom ou encore les filiales d’entreprises internationales renommées. « Nous avons souhaité établir des réseaux de communication intenses entre les universités, les entreprises et les chercheurs des secteurs public et privé », explique Nejib Abida, le directeur de la communication et de la coopération internationale du pôle des technologies de la communication, situé au coeur de la Cité el-Ghazala. Occupant 6 des 65 hectares de la Cité, le pôle a pour vocation d’accueillir les sociétés innovantes du secteur des technologies de la communication. Il les met également en relation avec les instituts universitaires et les centres de recherche présents sur le campus. Inauguré en novembre 1999, le pôle technologique a vite grandi. Les sept entreprises de départ sont aujourd’hui au nombre de 35, alors que la Cité rassemble au total 3 200 personnes, dont 1 500 étudiants en informatique et en génie des communications ainsi que plus d’un millier d’ingénieurs.
IT.Com, une des principales entreprises du pôle, avec un chiffre d’affaires de 0,7 million de DT en 2003, illustre cette symbiose entre recherche et secteur privé. Spécialisée dans les systèmes d’information pour les grandes entreprises, elle est à l’origine du mandat électronique commercialisé par La Poste. Elle a également mis au point le système de traitement de données pour l’aviation civile tunisienne, réputé pour sa fiabilité.
Cette société privée est issue de l’Institut régional en sciences informatiques et télécommunications (Irsit), fleuron de la recherche tunisienne, privatisé en 1998. C’est l’Irsit qui fut le pionnier d’Internet en Afrique, en assurant dès le début des années 1990 le premier « noeud » du réseau sur le continent. « Nous avons vécu des moments difficiles lors de la privatisation », reconnaît Mohamed Mnif, 40 ans, le PDG d’IT.Com. « Mais nous avons accompli notre mue, de la recherche fondamentale à la recherche appliquée. Notre grand atout est d’avoir conservé des liens étroits avec les centres scientifiques publics et avec les programmes de coopération européens. »
La Cité aide aussi à la floraison de jeunes pousses, comme Progress Engeneering, une prometteuse entreprise de services informatiques et de conception de logiciels. Elle a été créée en novembre 2000, par trois jeunes ingénieurs fraîchement diplômés de l’École supérieure de communication (Sup’Com.), à deux pas de leur campus d’étude. « Trois cents mètres à parcourir, et nous avons créé notre entreprise ! » plaisante Med Sadok Mouha, 29 ans, son directeur général. Avec un capital de départ de 3 000 dinars (1 950 euros), les trois associés ont déjà réussi à concevoir le système d’inscription universitaire à distance. Ils collaborent également au développement de la carte e-Dinar avec La Poste, conçoivent des portails Web pour les entreprises et travaillent sur des projets de commerce électronique.
Pour sa part, Mohsen Triki, le directeur général du pôle, compte bien doubler la capacité d’accueil et le nombre d’entreprises présentes sur le site au cours des deux prochaines années. Et le Centre de développement technologique de La Poste (CDTP) va bientôt rejoindre la Cité. En 2006, celle-ci abritera 5 000 personnes. Les responsables du pôle comptent multiplier les « cyberparcs », actuellement au nombre de cinq : ces bâtiments câblés et raccordés au réseau Internet à très haut débit accueillent des PME spécialisées dans les nouvelles technologies. « Nous allons également développer une nouvelle génération d’entreprises de téléservices, ajoute Mohsen Triki. Elles offriront des activités de sous-traitance à forte valeur ajoutée et créeront des emplois pour des diplômés de haut niveau. » Reste que, pour le moment, sur l’ensemble des sociétés que compte le secteur, 380 sont spécialisées dans l’installation d’équipements (hardware), et seulement 50 sociétés offrent des services à valeur ajoutée.
Le succès des technopoles est aussi lié à une étroite coopération avec les leurs homologues méditerranéennes, comme celles de Sophia-Antipolis, à Antibes, mais aussi à Marseille ou à Bari, en Italie. À son tour, le pôle de Tunis diffuse son savoir-faire en Algérie, au Maroc, au Liban et noue des contacts en Égypte. L’expérience fait aussi école en Tunisie. « Avant la fin de 2008, douze technopoles seront opérationnelles dans le pays », indique Mohamed Mokni. Ce haut fonctionnaire a participé étroitement à leur création et préside actuellement au lancement de la technopole de Sousse. Ce site, qui sera achevé dans deux ans, aura pour spécialités la microélectronique et les nanotechnologies. « Il s’agit d’un des secteurs les plus porteurs des technologies de l’information et de la communication », estime Younès Bouazra, physicien, professeur à la faculté des sciences de Monastir et directeur de l’Institut supérieur des sciences appliquées et de technologie (Issat) de Sousse. « On désigne par nanotechnologie la technique qui permet d’élaborer tout engin ou entité de très petite taille capable de réagir à une information et de donner une information en retour », explique-t-il avec pédagogie. En pratique, il s’agira de concevoir des capteurs, de taille plus que microscopique. Ils serviront à fournir de l’énergie solaire, des images, des sons. Ils seront aussi utilisés en chirurgie, en médecine et par l’industrie pharmaceutique. Plus connu pour ses activités dans la confection et de l’agroalimentaire, Sousse se veut résolument high-tech.
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