Le dossier Borrel pas encore enterré
Neuf années d’enquête, cinq juges d’instruction, trois autopsies, deux reconstitutions sur les lieux : l’affaire de la mort du juge Bernard Borrel n’en finit plus de hanter les relations entre la France et Djibouti. Suicide ou assassinat ? Tout le long d’une instruction passablement chaotique, les certitudes se succèdent et se concrétisent depuis la découverte du cadavre du magistrat, à l’époque détaché auprès du ministère djiboutien de la Justice, le 19 octobre 1995 (voir J.A.I. n° 2259 du 25 mai 2004). Désormais confié au juge d’instruction Sophie Clément, le dossier semble aujourd’hui s’orienter vers la thèse du meurtre.
Ce qui n’aurait pu être qu’une simple affaire criminelle a rapidement pris l’allure d’une affaire d’État avec la mise en cause, récurrente et jamais étayée, du président djiboutien Ismaël Omar Guelleh, lequel sera candidat à sa propre succession en avril 2005. Des opposants en exil et d’anciens membres en fuite des services de sécurité ont en effet affirmé que ce dernier, chef de cabinet du président Hassan Gouled à l’époque des faits, avait prémédité et commandité la disparition de Bernard Borrel afin de se débarrasser d’un homme devenu gênant. Motif : Borrel enquêtait sur l’implication d’Ismaël Omar Guelleh dans l’attentat antifrançais du Café de Paris en 1990. En dépit de ses nombreuses invraisemblances matérielles et des rapports des enquêteurs la contredisant, cette dernière thèse, dont on mesure l’extrême gravité, a été reprise avec suffisamment d’insistance par les médias et les parties civiles pour que la présidence djiboutienne s’en émeuve. Estimant que le gouvernement français faisait en l’espèce preuve de trop de tiédeur et de passivité, elle a, le 17 avril dernier, publié un communiqué au ton très ferme – voire menaçant – obligeant le Quai d’Orsay à décerner un satisfecit public aux autorités de Djibouti et à prendre ses distances vis-à-vis des accusations qui les visent.
Dernier rebondissement en date dans ce soap opera politico-judiciaire : l’existence d’un mystérieux document secret qu’aurait détenu Bernard Borrel et qui serait désormais au coeur de l’enquête. Rédigé par un capitaine français, ce document portait, semble-t-il, sur des malversations commises par des gendarmes djiboutiens et des militaires français en poste à Djibouti. Reste que, de l’aveu même de son auteur, ce rapport « n’était pas si important qu’il pouvait entraîner la mort de quelqu’un ». Nouvelle et énième fausse piste, comme celle du Café de Paris ? C’est possible. En attendant et aussi paradoxal que cela puisse paraître, le procureur général de la République de Djibouti, Djama Souleiman Ali, attendait toujours fin juin qu’on lui communique enfin le dossier de l’instruction. Neuf ans après.
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