Le « Beach » refait surface
« Nous n’accepterons plus que des autorités représentant notre pays, et qui viennent travailler en France, se fassent malmener par une justice qui se croit tout permis. » Alain Akouala, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement congolais, tient à marquer les limites à quelques jours d’une visite dans l’Hexagone du chef de l’État congolais, Denis Sassou Nguesso. Il traduit l’état d’esprit des autorités de Brazzaville vis-à-vis de Paris : un mélange d’agacement et de défi, à la suite des tracasseries récurrentes infligées à des responsables congolais, pour leur implication supposée dans la disparition en mai 1999 de 353 réfugiés, de retour dans leur pays via le port fluvial de Brazza.
Dernier rebondissement de « l’affaire » qui a mis le feux aux poudres : l’arrestation dans la capitale française, le 1er avril, de Jean-François Ndengue, directeur général de la police, mis en examen le lendemain par le juge d’instruction de Meaux Jean Gervillié et déféré à la prison de la Santé à Paris. De source concordante, Sassou n’y est pas allé avec le dos de la cuillère après cette interpellation. Suspendu au téléphone pendant des heures avec son homologue français et avec Dominique de Villepin, il a « exigé » et obtenu la libération de Ndengue. Non sans demander à ses interlocuteurs (une menace ?) quelle serait leur réaction si on arrêtait un membre de l’ambassade de France à Brazzaville ou un responsable de la société pétrolière Total.
Il aura gain de cause, avec une célérité qui a déclenché l’ire des organisations de défense des droits de l’homme en France. Mis en examen le 2 avril à 18 h 30, placé en détention à 22 heures, Ndengue sera libéré à 2 heures du matin par une chambre de l’instruction de Paris réunie à une heure pour le moins insolite, puis mis dans un avion en partance pour Brazzaville, dans les heures suivantes. La raison d’État, en somme. Deux semaines plus tard, le ministre congolais de la Justice, Jean-Martin M’bemba, le ministre-directeur de cabinet du chef de l’État, Aimé-Emmanuel Yoka, et Alain Akouala ont effectué une visite discrète à Paris, officiellement pour rencontrer les avocats des personnalités mises en cause.
Pour mettre un terme aux « incidents », Brazzaville veut être ferme. Il s’agit d’éviter la répétition d’un impair qui s’est produit il y a deux ans, et qui avait « irrité » le président congolais. Le 18 septembre 2002, le juge d’instruction de Meaux, adressait une lettre à Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, à l’occasion de la visite en France de Denis Sassou Nguesso. Il demandait « que soit reçue la déposition écrite de M. Sassou Nguesso, visé comme d’autres par une plainte pour crimes contre l’humanité, dans l’affaire dite des « disparus du Beach » ». Piqué au vif, l’homme fort de Brazzaville en avait fait part à son homologue Jacques Chirac.
Les liens entre les deux hommes, qui s’apprécient, sont soumis à des frictions au gré des rebondissements de l’affaire, pendante depuis 2001, introduite par la plainte des ayants droit des disparus, et par la Fédération internationale des Ligues de droits de l’homme (FIDH).
Nul doute que Denis Sassou Nguesso s’en entretiendra avec Jacques Chirac, le 16 juillet à Paris. D’autant que le chef de l’État congolais, qui était un moment pressenti pour assister à la fête nationale française du 14 Juillet, ne sera à Paris que le lendemain. Est-ce pour épargner à son « hôte » de nouvelles critiques des organisations de droits de l’homme, parties civiles dans l’affaire des « disparus du Beach » ?
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