Algérie-France : « Emmanuel Macron a prouvé qu’il avait plus de courage que les autres »
Bariza Khiari, ex-vice-présidente du Sénat français et membre de la direction collégiale de La République en marche (LREM), explique ce qui, selon elle, différencie Emmanuel Macron de ses prédécesseurs dans les relations franco-algériennes.
Emmanuel Macron semble décidé à tourner la page du passé avec l’Algérie. Alors candidat à la présidentielle française, il avait déjà qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité ».
Président, il a admis l’existence d’un système de torture pendant la guerre d’Algérie, en présentant ses excuses pour l’assassinat par l’État français du militant communiste Maurice Audin, en pleine guerre d’Algérie. Pour Bariza Khiari, ex-sénatrice (PS) de Paris d’origine algérienne, ce sont autant de gestes « courageux » qui « résonnent en France ».
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Jeune Afrique : En quoi le président Emmanuel Macron est-il différent dans sa politique concernant la guerre d’Algérie ?
Bariza Khiari : En qualifiant la colonisation de « crime contre l’humanité », à l’occasion de sa visite à Alger en février 2017, puis plus récemment en reconnaissant la responsabilité française dans la mort de Maurice Audin, Emmanuel Macron a prouvé qu’il avait plus de courage que les autres. Même s’il est vrai que chaque président a apporté sa pierre, il possède une volonté d’aller de l’avant qui est plus prononcée que chez ses prédécesseurs.
Ce n’est pas simple pour lui, car il existe toujours des miasmes coloniaux en France
La guerre d’Algérie, Emmanuel Macron ne l’a connue qu’à travers les livres d’histoire. C’est dans sa nature de ne pas regarder dans le rétroviseur. C’est aussi quelqu’un qui a une approche philosophique des choses. Il sait l’importance qu’a la mémoire.
D’après vous, va-t-il aller plus loin ?
Je ne sais pas ce qu’il va faire mais, avant de commencer à se questionner sur l’avenir, apprécions déjà ses déclarations à leur juste valeur. Ce n’est pas simple pour lui, car il existe toujours des miasmes coloniaux en France.
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Avez-vous déjà parlé avec lui de cette question ?
Au moment de la campagne, après sa visite à Alger, je l’ai appelé pour lui dire que cette annonce était exceptionnelle et formidable, mais je n’en ai pas discuté avec lui a priori. Je devais l’accompagner en Algérie, mais finalement je suis restée en France où j’avais d’autres obligations. Quand il est revenu, je lui ai fait part de mon sentiment et il a écouté ce que je lui ai raconté.
Quand François Hollande a admis l’existence de la torture, les deux parties qui me constituent se sont rassemblées
Mon père et ma mère ont été emprisonnés au moment de la décolonisation. Ma mère l’a été en France et mon père a été envoyé en Algérie pour purger sa peine. C’est un sujet récurrent et lourd dans ma famille. Vous pensez bien que tout ce qui touche à ça, j’y suis sensible. Il était donc normal que je manifeste ma joie et mon plaisir. Cela m’a conforté dans l’idée que c’était quelqu’un qu’il fallait soutenir.
Lui avez-vous parlé de votre histoire familiale ?
Oui, je lui en ai parlé. J’en avais également parlé à François Hollande avant lui, lorsqu’il a admis que la torture a existé pendant la guerre d’Algérie. Je lui ai dit que le jour de son annonce, les deux parties qui me constituent se sont rassemblées.
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Quand vous leur en avez parlé, avez-vous senti une différence dans leurs deux réactions ?
Non, les deux l’ont bien reçu. Macron, sa position lui semblait juste. Moi, à ce moment-là, j’étais heureuse de faire campagne pour un homme qui avait ce courage. Et il l’a toujours, comme il le prouve avec l’annonce concernant Maurice Audin. C’est une étape supplémentaire, car il montre que la lutte contre la colonisation est une question universelle et qu’elle n’a pas concerné uniquement les Algériens. Des jeunes Français qui étaient pour la justice et l’égalité étaient aux côtés des Algériens. Et ça, ça résonne en France.
Pensez-vous que sa non-appartenance à un parti traditionnel influence ses déclarations ?
Emmanuel Macron n’a pas les totems et la doxa habituels sur l’Algérie. Dans tous les partis politiques, certains seraient de son avis et d’autres à l’opposé. Comme il n’a pas à arbitrer entre ces deux positions, c’est la sienne qui prévaut.
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