Friandise caramélisée

La valse des gros derrières, de Jean Odoutan (sorti à Paris le 23 juin)

Publié le 28 juin 2004 Lecture : 3 minutes.

À quoi ressemblent les films du Béninois Jean Odoutan ? On pourrait répondre : à leurs titres. De ses premiers courts-métrages, comme Palabres d’antilopes incommensurables et de zébus katangais au pied de HLM ou Méli-Mélo au squatt place, tous deux de 1993, aux derniers de ses longs-métrages, Mama Aloko, présenté en 2002, et La Valse des gros derrières, qui sort aujourd’hui, tous fleurent bon la comédie, l’aventure et les mésaventures dans le petit monde des immigrés blacks de l’Hexagone. Mais on pourrait répondre aussi qu’ils ne ressemblent à rien. À entendre à la fois comme un constat – il s’agit de films improbables réalisés avec quatre sous – et comme un compliment – ils ne ressemblent en effet à rien d’autre, et c’est cela qui signe un style.
L’héroïne de La Valse des gros derrières, la belle Akwélé, Béninoise sans papiers, survit difficilement à Paris en rêvant de fonder une agence de mannequins noires. Avec évidemment elle-même comme top-model. Sa rencontre avec Rodolphe, un Africain tellement séduit par cette superbe « antilope » qu’il se débrouille en deux temps trois mouvements pour lui trouver une carte de séjour et lui financer un salon de coiffure, change son destin. Pour le meilleur un moment, pour le pire très vite, lorsqu’elle apprend que son amoureux et protecteur, menteur invétéré, est marié et père de famille. Vengeances, représailles et autres mauvais coups plus souvent désopilants que tragiques rythmeront le déroulement du film jusqu’à son happy end.
Voilà pour l’histoire. Mais le plaisir que l’on peut éprouver à voir un film d’Odoutan tient moins au scénario proprement dit qu’aux dialogues savoureux et à l’ambiance que le réalisateur sait créer et faire passer à travers l’oeil de sa caméra et la bande-son qui assaisonne le tout. C’est pourquoi d’ailleurs ce cinéma est fragile, et pas seulement à cause de son budget minimal qui ne permet pas d’obtenir toujours des plans raccords et interdit le recours à toutes les ressources techniques du septième art. Tout repose en effet sur la direction des acteurs pour qu’ils se « donnent » entièrement et un maniement habile de longs plans-séquences pour obtenir, scène après scène, de grands effets avec très peu de moyens, de la légèreté et de la bonne humeur avec des situations dramatiques.
Aussi, dès que l’on quitte le second degré pour retomber ne serait-ce qu’un court instant dans une oeuvre qui se prend au sérieux, tout le charme disparaît en même temps que l’émotion. C’est hélas ! ici souvent le cas, surtout dans la dernière partie du film, quand on doit supporter des tirades un peu appuyées et assez peu originales sur la fierté noire ou la condition féminine. Tout à coup, la « friandise caramélisée » – selon l’heureuse expression d’Odoutan pour qualifier ses films perd de sa saveur.
Et pourtant, même un peu déçu, peut-être pour avoir trop aimé la « friandise » précédente (Mama Aloko), on en redemande. Car on a pris goût à ce cinéma, à son énergie et son ton très particuliers. Il faudra pourtant attendre. Car les deux prochains longs-métrages de l’hyperactif réalisateur béninois, créateur à ses moments perdus d’un festival international de cinéma dans sa ville natale d’Ouidah dont la troisième édition aura lieu à l’automne prochain, seront, nous dit-il, des documentaires. Sur des sujets qui ne prêtent guère à sourire : la vie des réfugiés nigérians de la communauté des Ogonis au Bénin et le vaudou tel qu’il se pratique à Ouidah.

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