Fracture nationale

Les indépendantistes flamands du Vlaams Blok ont gagné les régionales. Et fait resurgir le spectre de la division communautaire.

Publié le 28 juin 2004 Lecture : 3 minutes.

La Belgique a vécu, le 13 juin, un tremblement de terre électoral. Si l’épicentre se situe en Flandre, l’onde de choc s’est fait ressentir dans tout le royaume. Le Vlaams Blok, le parti nationaliste flamand de Filip Dewinter, est devenu le deuxième parti de Flandre, avec 24 % des suffrages. C’est le grand gagnant des élections régionales qui ont eu lieu dans les trois « provinces » du pays, la Wallonie, la Flandre et Bruxelles-capitale. Le Blok avait axé sa campagne contre le vote des immigrés aux élections locales, un projet maladroitement défendu par les libéraux flamands du Premier ministre Guy Verhofstadt.
Le Vlaams Blok, une formation raciste et antifrancophone, prône l’indépendance de la Flandre. Créé en 1978, il a effectué sa première percée électorale en 1991. Le programme du Blok se résume à son slogan : « België barst ! » (« Belgique, crève ! »). Les nationalistes flamands sont en effet partisans d’un repli communautaire et d’une partition du pays qui recouperait les frontières linguistiques : la Flandre aux Flamands, et que les Wallons se débrouillent, indépendance ou rattachement à la France ! Une solution impraticable, puisque la capitale fédérale, Bruxelles, région bilingue revendiquée par les Flamands, car située au coeur du pays flamand, est majoritairement peuplée de francophones.
Le « problème communautaire » ne date pas d’hier, mais il a changé de nature. Car les Flamands, qui se sont longtemps sentis opprimés par les francophones, sont maintenant en position de force. Ils sont devenus démographiquement majoritaires, et leur économie est dynamique, alors que celle de la Wallonie, affectée par le déclin des industries sidérurgiques et minières, est engluée dans la crise depuis une vingtaine d’années. La Flandre réalise 70 % des exportations belges, et ses habitants, du moins ceux, toujours plus nombreux, qui prêtent leurs suffrages au Vlaams Blok, en ont assez de payer pour les « rats francophones » et rêvent de séparation pure et simple.
Les électeurs du Blok sont moins éduqués et plus jeunes ou plus âgés que la moyenne de la population, et se recrutent d’abord parmi les travailleurs peu qualifiés. Avec 29,9 % des voix, le Blok est devenu le premier parti à Anvers, et il est en position d’emporter la mairie en 2006, étape majeure dans sa quête acharnée de respectabilité.
Les autres formations de la scène politique régionale ont jusqu’à présent respecté la règle du cordon sanitaire, édictée au début des années 1990, et qui interdit toute alliance avec l’extrême droite. Cette option ne sera pas remise en question. Mais la surenchère communautaire à laquelle se sont livrés les ténors nationalistes flamands depuis une dizaine d’années a eu pour effet une certaine « blokisation » des esprits. Les chrétiens-sociaux flamands d’Yves Leterme, vainqueurs avec 26,2 % des suffrages, sont partisans d’un système confédéral, et réclament la scission des compétences fédérales (sécurité sociale, fiscalité, emploi, justice) et leur dévolution aux régions. Une telle solution pourrait constituer la dernière étape avant l’éclatement d’un royaume dont les fondations apparaissent fragilisées.
La Belgique est coupée en deux. Alors que la Flandre a basculé à droite, en Wallonie, ce sont les socialistes qui ont enregistré une nette victoire, malgré une sensible progression de l’extrême droite, représentée par le Front national, qui a atteint 14 % à Charleroi. À Bruxelles-capitale, les socialistes ont fait pour la première fois jeu égal avec les libéraux francophones du ministre des Affaires étrangères Louis Michel. Et le nombre d’élus d’origine étrangère sur les listes francophones de la capitale a doublé entre 1999 et 2004, passant de 9 à 18 (dont 12 Marocains), sur un total de 72. Un paradoxe qui témoigne de l’ampleur de la fracture idéologique qui sépare maintenant Wallons et Flamands.

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