Et la lumière fut

Publié le 28 juin 2004 Lecture : 3 minutes.

« Adoptons la résolution relative aux relations avec l’Union européenne dans l’obscurité ! » Cette proposition – lancée à la cantonade, mais dont l’auteur n’a pas été identifié – a déclenché une vague de fous rires lors de la séance de clôture du IVe sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays ACP (Afrique-Caraïbes- Pacifique), le 24 juin, à Maputo, au Mozambique. À 14 heures, et après deux jours d’âpres discussions, un problème technique venait de plonger la salle de conférence dans le noir alors que les représentants peinaient à entériner le texte de la déclaration finale, au grand dam des ventres les plus creux.

Si cette anecdote ne restera pas dans les annales du sommet, elle témoigne, en tout cas, du climat dans lequel s’est déroulée cette rencontre et, surtout, de l’intérêt des responsables des États membres pour une juste retranscription de leurs débats et recommandations. La fameuse résolution – qui fut adoptée une fois la lumière rétablie – renforce le mandat du Conseil des ministres des pays ACP, à l’heure où les 79 États membres de cet ensemble, dont 48 se trouvent en Afrique, négocient les accords de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne (UE).
Ouvertes à Bruxelles en septembre 2002, ces négociations doivent s’étaler sur une période de cinq ans pour une entrée en vigueur des APE au plus tard le 1er janvier 2008. Ces accords prévoient la substitution des préférences commerciales dont jouissent les pays ACP – sous forme de quotas d’exportation garantis au sein de la Communauté (notamment pour les bananes et le sucre), d’avantages fiscaux et douaniers – par la mise en place de zones de libre-échange entre l’UE et les différents ensembles régionaux (Caraïbes, Pacifique et Afrique scindée en quatre zones : Est, Ouest, Sud et Centre). Une période de transition devrait être instaurée pour permettre aux économies de ces États de s’adapter à ce nouveau système commercial. Mais, pour l’instant, force est de constater que les pays ACP et l’UE n’ont pas vraiment avancé lors des premières discussions.
« Nous demandons à l’Union européenne de remettre le développement au coeur des APE pour qu’ils ne soient pas de simples accords commerciaux », plaide le secrétaire général du groupe ACP, Jean-Robert Goulongana. Près de 241 millions d’individus vivent avec moins de 1 dollar par jour en Afrique. L’Europe accorde en moyenne à ses éleveurs des subventions d’un montant de 2 dollars par jour par tête de bétail.
Interpellée par les chefs d’État, la Commission de Bruxelles a tenu à assurer les pays ACP du maintien de sa coopération. Mais elle souhaite préserver le principe de ces accords de libre-échange qui lui ont été imposés par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Si bien que les pays ACP ont compris qu’ils devaient attendre les résultats des négociations du cycle de Doha sur le commerce et le développement pour s’engager plus avant dans les discussions avec Bruxelles. Comptant sur la solidarité retrouvée des États du Sud, à Cancún, au Mexique, lors du dernier « round » de négociations en septembre 2003, ils souhaitent infléchir les positions des pays occidentaux, particulièrement sur les questions agricoles, et faire prévaloir le besoin d’un traitement préférentiel en raison de leur statut de pays en développement.
« Nous ne souhaitons pas perdre d’un côté ce que nous pouvons gagner de l’autre », résume Jean-Robert Goulongana. En d’autres termes, l’objectif est de maintenir des positions fermes dans les prochains pourparlers de l’OMC afin d’être en situation favorable pour négocier les APE. Les pays ACP constatent d’ailleurs que depuis qu’ils ont rejeté solidairement les propositions des pays riches à Cancún, l’Europe fait des concessions. Ainsi, l’UE a proposé de supprimer ses subventions aux producteurs de coton et de réduire ses aides générales à l’agriculture. Les États-Unis, pour leur part, ont manifesté de bonnes intentions, mais n’ont pris aucun engagement précis. Le feront-ils lors du Conseil général de l’OMC, les 28 et 29 juillet à Genève ? D’ici là, les pays ACP se seront réunis à Maurice, le 13 juillet, avec les autres États du G90, le groupe de discussion à l’OMC des pays en développement, pour entériner leurs positions et établir les propositions qu’ils soumettront dans la cité helvétique.

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