Dixit Bill Clinton

L’hebdomadaire américain Time consacre douze pages, dont six d’interviews, largement illustrées, au « Citizen Clinton » (c’est le titre de l’ensemble) à l’occasion de la sortie, le 22 juin, de ses Mémoires. L’ex-président des États-Unis a reçu Joe Klein et le chef du bureau de Time à Washington, Michael Duffy, dans la grange somptueusement réaménagée de sa résidence de Chappaqua, dans l’État de New York, où il a écrit les plus de 900 pages de l’ouvrage. Voici quelques passages concernant la politique en général, l’Irak, son successeur et la place de l’Amérique dans le monde.

Le succès en politique
« Je crois que pour réussir en politique, il faut avoir à la fois des qualités féminines et un côté machiste. Si vous n’avez que l’un des deux, vous aurez des problèmes. Un parti qui manque de compassion, de ressources intellectuelles et de sens de l’ambiguïté connaîtra des difficultés dans un environnement où il y a beaucoup de choses qui bougent, que vous ne pouvez pas toutes contrôler. En revanche, si vous n’avez que de la sensibilité et de l’ambiguïté et que vous ne savez pas quand il faut vous affirmer et vous battre, tout le sable aura coulé du sablier sans que vous soyez arrivé à vos fins. »

Le terrorisme
« En fait, en tant que pays, nous nous trouvons dans une situation bien moins dangereuse qu’au début de la guerre froide, quand les deux camps avaient des armes nucléaires, avant le téléphone rouge et avant que nous ne nous connaissions vraiment. Mais en tant qu’individus, nous sommes, du moins en théorie, beaucoup plus vulnérables, parce qu’aucun de nous ne peut se cacher. C’est effrayant. »

La place de l’Amérique dans le monde
« Je crois qu’au lieu d’agir unilatéralement quand c’est possible pour résoudre les problèmes qui se posent, nous devrions essayer de nouer des alliances et d’agir en accord avec d’autres quand nous le pouvons, et n’agir isolément que quand nous y sommes obligés. Parce que je crois que le plus important n’est pas de résoudre tous les problèmes du monde – c’est impossible -, le plus important est de créer un monde où nous aimerions vivre lorsque nous ne serons plus la seule superpuissance mondiale. »

Bush a-t-il eu raison d’envahir l’Irak ?
« J’ai souvent pris la défense du président Bush au sujet de l’Irak, bien que je pense qu’il aurait dû attendre que les inspections de l’ONU soient terminées. Je ne pense pas qu’il soit allé là-bas pour le pétrole. Nous ne sommes pas allés là-bas pour des raisons impérialistes ou financières. Nous y sommes allés parce que Bush s’est laissé convaincre par la théorie Wolfowitz-Cheney selon laquelle la situation des Irakiens s’améliorerait, nous pourrions renverser les régimes arabes autoritaires au Moyen-Orient et renforcer nos moyens de pression pour faire la paix entre les Palestiniens et les Israéliens. »

Le scandale de la prison d’Abou Ghraib
« Plus j’en apprends sur cette affaire, et plus il me semble que certaines personnes assez haut placées, au moins, ont pensé que c’était comme ça qu’il fallait s’y prendre, et qu’elles se sont donné comme argument que c’était comme ça qu’on faisait dans la région, alors qu’on voulait savoir qui étaient les terroristes et les assassins. [Pour ceux qui voulaient qu’on envahisse l’Irak], il ne pouvait en être autrement parce qu’il est normal que les gens préfèrent la liberté à l’oppression et parce qu’ils croient que nous sommes différents de ceux qu’ils détestent. Ce qui signifie, premièrement, que nous ne pouvons pas faire des trucs pareils, et deuxièmement, que quand nous le faisons, les responsables doivent payer. Les Arabes ne seront pas impressionnés si, comme eux le font, nous décapitons tous les lampistes et laissons filer tous les vrais responsables au-dessus d’un certain niveau. »