Cinéma : derrière le strass, le festival égyptien d’El Gouna s’impose comme un rendez-vous incontournable
Créé par la puissante famille copte des Sawiris dans une petite cité balnéaire égyptienne, le festival du film d’El Gouna pose des jalons pour exister sur le long terme.
Imaginez une luxueuse station balnéaire, les pieds dans la Mer rouge, écrasée par le soleil. Posez un tapis rouge, saupoudrez de starlettes perchées sur des talons d’une douzaine de centimètres, ajoutez beaucoup (beaucoup) d’argent, des talents confirmés et une pincée de suspens : vous aurez la recette du bon blockbuster qui se joue pour la deuxième édition – du 20 au 28 septembre – du festival du film d’El Gouna.
S’inscrire dans la durée
L’événement a été créé par Naguib Sawiris, la sixième fortune d’Afrique selon le dernier classement du magazine Forbes. Il ne serait pas né sans les investissements massifs, et à ce jour toujours confidentiels, du milliardaire.
Mais la question qui se pose déjà, à l’heure où des festivals internationaux prestigieux comme celui de Dubaï annulent des éditions, est plutôt celle de la survie à long terme de la manifestation. Ce qui suppose de trouver de nouveaux partenaires, un public, et de se créer une légitimité durable dans l’industrie du cinéma.
Le festival a en fait déjà avancé sur toutes ces questions. « Le business model a changé, car nous savions qu’il n’était pas pérenne », note le directeur du festival Intishal Al Timimi en ouvrant fièrement le programme à la page des sponsors, bien remplie.
« Lors de la première édition, 85 % du financement de l’événement émanait de la famille Sawiris. Cette année, elle n’en assure plus que 60 %. C’est un énorme changement ! De plus nous recevons le soutien d’institutions publiques. Le gouvernement, notamment, qui donne peu d’argent mais qui garantit un appui logistique important. »
Affluence en hausse
Le public aussi commence à affluer. « Nous avions vendu 8 000 places lors de la dernière édition… nous sommes déjà à plus de 10 000 aujourd’hui », sourit Intishal Al Timimi à quatre jours de la fin de la manifestation.
Le réalisateur égyptien Yousry Nasrallah, venu jouer un rôle de « conseiller » pour l’événement, ne cache pas non plus son enthousiasme. « Les gens commencent à venir de loin pour assister aux projections. J’ai un cousin qui est parti du Caire, à cinq heures de route, pour être ici ce soir. »
Le public égyptien se presse aux projections, notamment de productions nationales comme celle de Gunshot, réalisé par Karim El Shenawy, présenté hier devant 900 spectateurs.
15 fictions, 12 films documentaires, 23 courts-métrages, choisis parmi 135 soumis au festival
L’enjeu aujourd’hui est néanmoins de réussir à intéresser les touristes européens qui affluent dans les resorts luxueux de la ville… et en sortent rarement. Yousry Nasrallah estime que le festival est aujourd’hui le plus important du pays, devant donc le festival du Caire « qui a échoué à devenir un tremplin pour les films non américains au Moyen-Orient, et qui est obsédé par l’idée de présenter l’Égypte comme un pays touristique. »
Le cinéaste applaudit l’organisation, la ponctualité, et la sélection rigoureuse des films : 15 fictions, 12 films documentaires, 23 courts-métrages, choisis parmi 135 soumis au festival. Mais il estime surtout que l’avenir de l’événement tient à ce qu’il est également un rendez-vous des professionnels du cinéma.
>>> À LIRE – Musique : le rôle du cinéma égyptien dans l’émergence des stars de la chanson arabe
Rencontres professionnelles
Car en journée, des rencontres – certes moins glamour – ont lieu sur le site local de l’Université technique de Berlin, à quelques centaines de mètres des cinémas. En shorts, jupes, chemisettes et débardeurs, producteurs, réalisateurs, acteurs… échangent de façon plus ou moins informelle dans le grand patio du bâtiment avant de rejoindre des conférences (dont une sera tenue par l’acteur américain Owen Wilson) ou des sessions de présentations films en devenir. « C’est en fait ici que se joue le destin du festival », affirme Yousry Nasrallah.
C’est idéal pour trouver des financements et faire exister nos projets
La réalisatrice libanaise de documentaire Danielle Davie est ainsi venue avec son co-réalisateur et deux productrices, présenter un projet sur les maladies sexuellement transmissible au pays du Cèdre, « où le sujet reste tabou. » « Bien sûr, le festival d’El Gouna a des équivalents… mais depuis que celui de Dubaï a fermé, il crée de nouvelles opportunités dans la région », souligne-t-elle.
« Cette manifestation regroupe énormément d’acteurs de l’industrie, c’est idéal pour nous, pour trouver des financements et faire exister nos projets. » Et la jeune femme d’interrompre l’entretien : la représentante d’un festival documentaire aux Pays-Bas vient d’arriver, avec laquelle elle doit discuter.
La plupart des professionnels présents attendent aussi avec impatience l’annonce des récompenses du festival, qui aura lieu lors de la cérémonie de clôture, vendredi 28 septembre. Leur montant total est passé de 60 000 dollars l’année dernière (environ 51 000 euros) à 150 000 dollars pour cette édition. Si l’argent ne suffit pas à faire durer un festival, il aide quand même un peu.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Culture
- Algérie : Lotfi Double Kanon provoque à nouveau les autorités avec son clip « Ammi...
- Stevie Wonder, Idris Elba, Ludacris… Quand les stars retournent à leurs racines af...
- RDC : Fally Ipupa ou Ferre Gola, qui est le vrai roi de la rumba ?
- En RDC, les lampions du festival Amani éteints avant d’être allumés
- Bantous : la quête des origines