Seth Kikuni : « Je suis la meilleure personne pour faire entrer la RDC dans le XXIe siècle »

Esquisse de leur programme, machine à voter, fichier électoral… Vingt-un candidats en lice pour la présidentielle du 23 décembre en RDC se livrent chaque semaine à Jeune Afrique. Entretien du jour avec Seth Kikuni.

Seth Kikuni, jeune entrepreneur de 36 ans et candidat à la présidentielle en RDC. © Sethkikuni.cd

Seth Kikuni, jeune entrepreneur de 36 ans et candidat à la présidentielle en RDC. © Sethkikuni.cd

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Publié le 1 octobre 2018 Lecture : 5 minutes.

C’est le plus jeune des 21 candidats retenus pour la présidentielle congolaise. Sans expérience politique, Seth Kikuni a été le premier à se pointer fin juillet devant le siège de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), à Kinshasa, pour y déposer son dossier. Preuve du versement de 100 000 dollars de caution à la main.

L’entrepreneur de 36 ans, passé par la Turquie et l’Afrique du Sud, reçoit au premier étage de sa boutique de vêtements et de chaussures, avenue Lieutenant-colonel Lukusa, au centre-ville de la capitale de la RDC. Le visiteur doit se faufiler entre les costumes Özel Trendz, croiser un portrait de Patrice Lumumba sur les escaliers, avant de tomber sur le bureau du maître du lieu. Dehors, l’on peut encore entendre des murmures de ceux qui soupçonnent le jeune homme d’être une marionnette du régime en place.

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Jeune Afrique : Pour qui roulez-vous ?

Seth Kikuni : Je ne roule pour personne. Je fais partie de la génération des jeunes congolais en colère et indignés par ce qui se passe au pays. J’ai grandi dans les années 1990 : j’ai connu les deux pillages, l’année blanche à l’université, la débrouillardise pour survivre, les deux grandes guerres… Bref, une adolescence et une jeunesse sacrifiées.

Même si j’ai pu quitter plus tard la RDC pour aller poursuivre mes études ailleurs, j’ai toujours gardé en moi l’envie de m’engager en politique pour offrir à la jeunesse de mon pays quelque chose de meilleur. Parce qu’en réalité, rien n’a changé depuis.

Il y a beaucoup de déçus et d’indécis

Diriger la RDC, vous y rêvez depuis quand exactement ?

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Dans une interview accordée dans un journal turc en 2010, j’affichais déjà ma volonté de briguer la magistrature suprême de mon pays. Mais je ne voulais pas rentrer dans le système actuel et m’y perdre. Je me suis résolu à chercher d’abord des financements pour être autonome. C’est chose faite ! Et c’est désormais le moment de se lancer. D’autant qu’il y a beaucoup de déçus et d’indécis. Il faut leur redonner de l’espoir.

La politique en RDC doit cesser d’être une affaire de chômeurs, de ceux qui ont pris des armes ou de ceux qui sont là par la volonté de leurs géniteurs. Les Congolais veulent entendre une autre histoire : celle d’un citoyen ordinaire, enfant de fonctionnaire [son défunt père fut secrétaire général au ministère des Mines, ndrl], qui a travaillé et, avec ses propres moyens, décide de mettre au service de la communauté nationale la compétence acquise dans le secteur privé. C’est cette histoire que tous mes compatriotes et moi-même voudrions raconter demain à nos enfants.

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Pourquoi avez-vous choisi de vous présenter directement à la présidentielle, plutôt que de vous essayer d’abord aux élections législatives ou provinciales ?

La Constitution congolaise permet à un citoyen ordinaire de devenir président de la République. Mais si je brigue directement la magistrature suprême, c’est surtout parce que je porte une idéologie de la rupture. Et ceux qui ont prôné la même chose avant moi se sont complètement perdus parce qu’ils ont commis l’erreur d’entrer dans le système.

À mes yeux, devenir député en RDC alors que l’on est déjà entrepreneur, c’est régresser. Le pouvoir législatif ne fait que voter des lois et contrôler l’exécutif. En tant que chef d’entreprise, je suis gestionnaire et considère l’État comme une méga-entreprise.

Seth Kikuni président, la RDC s’inscrira donc sur une ligne libérale, voire ultra-libérale…

Exactement ! Nous allons désengager l’État dans plusieurs secteurs, notamment les médias.

C’est pourquoi lors de la présentation de votre programme début septembre, vous avez promis de « vendre la RTNC », la Radio-télévision nationale congolaise. Ce bout de phrase continue à faire réagir. Que vouliez-vous dire ?

Beaucoup ont pris cette phrase au premier degré. Je parlais de la nécessité de privatiser la RTNC. Qu’à cela ne tienne, il n’y a jamais privatisation sans vente. Mais au-delà de cette polémique, je voudrais que l’État se désengage du secteur des médias et que, à travers le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), il n’y joue plus que le rôle de contrôleur, de régulateur. Car la RTNC consomme aujourd’hui quelque 11 millions de dollars provenant des contribuables congolais, mais elle ne sert que le camp politique au pouvoir.

La machine à voter peut nous permettre de gagner du temps. »

Le recours à la machine à voter continue de faire polémique. Selon vous, faut-il l’utiliser pour les scrutins à venir, ou pas ?

Je dois reconnaître que la machine à voter divise. Mais moi, j’ai testé cet ordinateur : cela m’a pris à peu près une minute pour voter. Ce n’est qu’une imprimante.

Il nous suffit d’exiger à la Ceni de ne prendre en considération que les résultats issus des urnes. La machine à voter ne peut ainsi tricher, elle peut plutôt nous permettre de gagner du temps.

Que doit-on faire de quelque six millions d’électeurs sans empreintes digitales, mais qui sont repris sur le fichier électoral ?

Il faut les extirper du fichier électoral. La Ceni doit également nous expliquer ce qui s’est passé. J’exige une réunion entre elle et les candidats en lice. On ne peut pas aller aux élections alors que les parties prenantes ne sont pas d’accord sur plusieurs points.

Vous vous revendiquez de l’opposition. Seriez-vous prêt à vous retirer au profit d’un éventuel candidat commun de votre camp ?

Nous reprochons au camp au pouvoir le manque de transparence à tous les niveaux. Nous n’avons même pas compris sur la base de quel mécanisme le candidat de la majorité a été désigné. L’opposition ne doit pas tomber dans les mêmes travers. C’est pourquoi je souhaite que nous organisions une primaire. Sans débat dans le choix de notre candidat commun, il n’y aura plus de différence entre opposition et majorité au pouvoir.

Pourriez-vous résumer en une phrase les dix-sept années au pouvoir de Joseph Kabila, le président sortant ?

C’est un échec sur le plan économique. Joseph Kabila n’a pas non plus réussi à normaliser la scène politique. Et les richesses nationales n’ont pas été redistribuées de façon équitable.

Et pourquoi Seth Kikuni à la place Joseph Kabila ?

Étant plus entrepreneur que politicien, je suis la meilleure personne pour faire entre la RDC dans le XXIe siècle, celui de la création des richesses.

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