Des coups de feu claquent, Boudiaf s’effondre…

Publié le 28 juin 2004 Lecture : 2 minutes.

Annaba, l’antique Hippone, la ville de saint Augustin, traîne cette histoire de « parricide » comme une blessure mal refermée. C’est ici, dans la grande cité industrielle de l’Est algérien, que, le 29 juin 1992, le président Mohamed Boudiaf a été assassiné par un membre de sa garde rapprochée, alors qu’il prononçait un discours à la Maison de la culture. Six mois plus tôt, il était rentré d’un long (vingt-neuf ans) exil marocain.
Principal instigateur du déclenchement de la guerre d’indépendance – il affirmait détenir la carte n° 1 du Front de libération nationale (FLN) -, Boudiaf avait été arrêté, en octobre 1956, après l’arraisonnement par l’armée française de l’avion marocain qui le transportait, en compagnie d’Ahmed Ben Bella, d’Hocine Aït Ahmed et d’autres membres de la direction du parti. Incarcéré en France, il ne sera libéré qu’à la veille de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre les « fellaghas » et l’armée coloniale.

Au lendemain de l’indépendance, il s’oppose à l’alliance entre le président Ben Bella et l’état-major général dirigé par le colonel Houari Boumedienne. Hostile à la transformation du FLN en parti unique, il crée une formation d’opposition, le Parti de la révolution socialiste (PRS). Ben Bella l’interne dans un camp, dans le sud du pays, puis le libère. Il s’installe à Kénitra, au nord de Rabat. L’Algérie dont il rêvait se fera sans lui.
Boudiaf vit discrètement son exil. En décembre 1978, la douleur du peuple algérien après la mort de Boumedienne le stupéfie. Il admet avoir sous-estimé la popularité de celui qu’il considère comme son principal ennemi, dissout le PRS et abandonne la politique : désormais, il s’occupera exclusivement de la briqueterie qu’il a créée.
Janvier 1992. L’ère Chadli Bendjedid se termine en queue de poisson. Après la victoire éclatante du Front islamique du salut (FIS) au premier tour des législatives, l’armée interrompt le processus électoral. Chadli est démis de ses fonctions, un Haut Conseil d’État (HCE) le remplace. Rentré d’exil pour « être utile à son pays », Boudiaf est placé à sa tête. Mais il se refuse à n’être qu’un simple chef de l’État. Pour asseoir sa légitimité, il propose de tenir des élections et, en attendant, se rallie à la gestion musclée du dossier islamiste que préconise l’armée.
Parallèlement, il s’attaque à la corruption et dénonce publiquement la nocivité de ce qu’il appelle la « mafia politico-financière », terme qu’il contribuera à rendre célèbre. Bref, en quelques mois, l’incontrôlable Boudiaf se fait beaucoup d’ennemis, au premier rang desquels le FIS, qui l’affuble du sobriquet de « Boudiable ». Le parti d’Abassi Madani sera d’ailleurs le seul à se réjouir de « l’élimination d’un ennemi de la République islamique ».

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Une commission d’enquête indépendante est nommée. Elle refuse d’accréditer la thèse soutenue par l’auteur de l’attentat, le sous-lieutenant Lembarek Boumaarafi, du Groupe d’intervention et de sécurité (GIS), qui affirme avoir agi seul pour « corriger une injustice incarnée par Boudiaf ». Dans son rapport, la commission relève les graves carences du dispositif censé assurer la protection du président, mais seuls quelques lampistes passent à la trappe. Ceux qui étaient aux commandes en juin 1992 y sont toujours. Douze ans plus tard, Annaba n’a toujours pas oublié qu’elle a servi de décor à un « parricide ».

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