[Tribune] Les larmes du lac Victoria

Le bilan du naufrage d’un ferry tanzanien dans le lac Victoria, le 20 septembre, est lourd : au moins 230 morts. Plutôt que de chercher des boucs émissaires, le président tanzanien doit se poser des questions sur le comportement au quotidien de ceux qui sont censés représenter l’État.

Plus de 100 personnes ont péri dans le naufrage d’un ferry dans le sud du lac Victoria, en Tanzanie. Ici le port de Mwanza. © George Mwangi/AP/SIPA

Plus de 100 personnes ont péri dans le naufrage d’un ferry dans le sud du lac Victoria, en Tanzanie. Ici le port de Mwanza. © George Mwangi/AP/SIPA

ProfilAuteur_TshitengeLubabu
  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 5 octobre 2018 Lecture : 3 minutes.

Deux cent trente morts au moins. Le bilan du naufrage d’un ferry tanzanien dans le lac Victoria est lourd, très lourd. Selon les autorités tanzaniennes, cette tragédie est la conséquence de la surcharge du bateau, dont la capacité maximale est de cent passagers. Or il y a eu largement plus du double, sans parler des marchandises. Qui est responsable de cette tolérance excessive ?

Dar es-­Salaam montre du doigt l’équipage du bateau naufragé. Mais où étaient donc les agents de l’administration chargés de la régulation du trafic lacustre ? Nous n’en saurons peut-être rien. Quoi qu’il en soit, nous sommes en face d’un manquement gravissime au règlement. Le président tanzanien a beau tonner contre l’insouciance de l’équipage, le voilà bien avancé : les victimes sont mortes à jamais. Y aura-t-il une enquête sérieuse ? Des têtes vont-elles tomber ? Croisons les doigts !

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Ce qui vient de se passer en Tanzanie doit nous pousser à nous poser des questions sur la sécurité des passagers dans les principaux moyens de transport en Afrique. Je prends l’exemple du trafic fluvial entre Kinshasa et Brazzaville, deux villes distantes de neuf kilomètres environ. Pour aller de l’une à l’autre, les voyageurs empruntent de prétendus canots qui tiennent bien plus du rafiot bricolé. L’embarcadère et le débarcadère ne rassurent pas non plus. Pis, on ne vous dit pas quel est le poids maximal autorisé pour vos bagages.

Notre embarcation est tombée en panne au milieu du fleuve

Un jour, j’ai pris l’un de ces canots pour me rendre à Brazzaville. Bien entendu, il était bondé. Comme si cela ne suffisait pas, notre embarcation est tombée en panne au milieu du fleuve. Ne sachant pas nager, j’ai pensé au pire. Heureusement pour les passagers, un mécanicien parvint à remettre le canot en marche. Pourtant, si le pont que les populations des deux rives attendent depuis belle lurette avait été construit, il y aurait déjà eu un bond en avant sur le plan sécuritaire.

Danger permanent

Dans le transport routier, le danger est permanent. Vous l’avez déjà constaté vous-mêmes, dans beaucoup de villes africaines, les constructeurs de routes n’ont jamais songé aux trottoirs pour les piétons. Résultat : ces derniers marchent sur la chaussée pendant que des véhicules arrivent dans leur dos ou en face, mettant ainsi leur vie en danger.

À croire que tous nos dirigeants sont atteints de cécité. Mais il y a encore pire : l’absence de panneaux de signalisation et de marquage sur la chaussée dans un très grand nombre de nos villes. Est-ce à dessein qu’on nous en prive ? Je n’en sais strictement rien. En attendant qu’il y en ait suffisamment un jour, les policiers chargés de la circulation se frottent les mains et arnaquent les conducteurs en inventant des infractions qui n’existent pas.

Le bien-être et la sécurité des citoyens ? Ce n’est hélas pas leur tasse de thé

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Comme tout le monde, vous avez l’habitude de voir passer des camions remplis de sacs de braise, de manioc ou de maïs qui font penser à des montagnes. Et vous avez noté que de pauvres diables appelés convoyeurs sont juchés sur ces sacs, mettant, au vu et au su de tout le monde, leur vie en danger. Ce n’est pas à vous que j’apprendrai que tous ces comportements inadmissibles sont considérés comme normaux car ils ne choquent personne, apparemment. Ce qui s’est passé en Tanzanie est donc normal.

Plutôt que de chercher des boucs émissaires, le président tanzanien doit se poser des questions sur le comportement au quotidien de ceux qui sont censés représenter l’État et faire appliquer la loi, rien que la loi. Je donne ma main à couper : comme dans tous nos pays, ils sont les fossoyeurs de la bonne gouvernance. Le bien-être et la sécurité des citoyens ? Ce n’est hélas pas leur tasse de thé. En attendant le déluge, ils encrassent l’Afrique. Que faire alors ? Je n’ai pas de réponse à donner, même si je constate que l’anormal a remplacé le normal…

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