Irak : quatre étapes pour sortir du chaos

Publié le 29 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

La Maison Blanche doit accepter deux réalités essentielles : premièrement, la guerre en Irak est un désastre historique, stratégique et moral ; deuxièmement, seule une stratégie qui tienne compte des données de l’Histoire et ne rappelle pas la tutelle coloniale peut fournir le cadre d’un dénouement acceptable de la guerre et des tensions qui s’aggravent dans la région.
Si les États-Unis restent en Irak, l’aboutissement final de cet engrenage risque fort d’être un affrontement direct avec l’Iran et avec le monde musulman. Un scénario possible de militarisation du conflit avec l’Iran pourrait être une incapacité de l’Irak à satisfaire les critères américains ; suivie d’accusations américaines imputant à l’Iran la responsabilité de cet échec ; puis une provocation en Irak ou un attentat aux États-Unis dont l’Iran serait proclamé coupable. Le tout pourrait se conclure par une action militaire « défensive » contre l’Iran qui plongerait l’Amérique dans un bourbier encore pire que l’actuel, où pourraient être également impliqués l’Irak, l’Iran, l’Afghanistan et le Pakistan.
Un rappel historique mythique pour préparer une telle guerre est déjà proposé. D’abord justifiée par des affirmations mensongères sur les armes de destruction massive de l’Irak, elle est maintenant présentée comme le « combat idéologique décisif » de notre temps, à l’image de la lutte contre le nazisme et le communisme. Cette argumentation simpliste et démagogique oublie que le nazisme était fondé sur la puissance militaire du pays européen industriellement le plus avancé ; et que le stalinisme non seulement pouvait mobiliser les ressources de l’Union soviétique, mais qu’il tirait également du marxisme un prestige mondial. Prétendre que l’Amérique est déjà en guerre dans la région avec une menace islamiste plus large dont l’Iran est l’épicentre, c’est enfoncer des portes ouvertes.
Il est aujourd’hui évident que l’intérêt national américain exige que l’on redresse la barre. Il y a un consensus en faveur du changement : l’opinion publique considère que la guerre a été une erreur ; qu’il faut réfléchir à un processus politique régional ; et qu’un arrangement israélo-palestinien est essentiel au changement de politique nécessaire. La recherche d’une solution politique au chaos grandissant en Irak devrait compter quatre étapes.

Premièrement, les États-Unis doivent réaffirmer sans ambiguïté leur détermination de se retirer d’Irak dans une période de temps relativement courte. Une telle déclaration est nécessaire pour écarter les craintes au Moyen-Orient d’une nouvelle hégémonie impériale américaine durable. Ce sentiment doit être combattu au plus haut niveau, peut-être par une résolution bipartite du Congrès.

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En second lieu, les États-Unis doivent annoncer qu’ils entreprennent une série d’entretiens avec tous les dirigeants irakiens y compris ceux qui ne résident pas à Bagdad, dans la forteresse connue sous le nom de « Zone verte » à la fois pour fixer et pour annoncer une date limite du désengagement militaire total des Américains. D’ici là, Washington doit éviter toute escalade.

Troisièmement, les États-Unis doivent, conjointement avec des dirigeants irakiens bien choisis, envoyer ou faire envoyer par eux une invitation à tous les voisins de l’Irak (et peut-être à d’autres pays musulmans), en vue d’engager un dialogue sur la manière de restaurer la stabilité en Irak lors du désengagement militaire américain et de participer à une conférence sur la stabilité régionale. Le moment venu, d’autres puissances ayant intérêt à la stabilité dans la région, comme l’Union européenne, la Chine, le Japon, l’Inde et la Russie, pourraient participer à des consultations élargies.

Quatrièmement, et simultanément, les États-Unis doivent prendre l’initiative d’un processus crédible qui permette enfin de conclure une paix israélo-palestinienne, et de préciser clairement les paramètres fondamentaux de cet arrangement. Sans un tel règlement, les passions nationalistes et fondamentalistes régionales causeront la perte de tout régime arabe perçu comme favorable à l’hégémonie américaine.
Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont joué un rôle clé dans la défense de la démocratie en Europe parce qu’ils ont appliqué une stratégie à long terme d’union de leurs amis et de division de leurs ennemis, d’endiguement ferme de l’agression sans déclenchement d’hostilités, tout en explorant la possibilité d’accords négociés. Aujourd’hui, le leadership mondial de l’Amérique est mis à l’épreuve au Moyen- Orient. Il est indispensable d’appliquer d’urgence une stratégie aussi avisée d’engagement véritablement constructif. Le Congrès n’a pas de temps à perdre.

* Ancien conseiller à la Sécurité nationale du président américain Jimmy Carter.

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