Présidentielle au Cameroun – Garga Haman Adji : « La crise anglophone n’est pas un problème insoluble »
Candidat pour la troisième fois consécutive, Garga Haman Adji, le président de l’Alliance pour la démocratie et le développement (ADD), présente ses ambitions pour le Cameroun et son programme pour ramener la paix dans les régions anglophones.
Présidentielle au Cameroun : huit candidats dans la course
Huit candidats, dont le président sortant Paul Biya, s’opposent lors de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. Un scrutin qui se déroule dans un contexte sécuritaire tendu, en particulier dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, secouées par un conflit opposant le gouvernement à des séparatistes.
À 74 ans, les ambitions de Garga Haman Adji pour l’accession à la magistrature suprême le 7 octobre prochain n’ont pas pris de rides. Bien au contraire, le natif de Maroua n’hésite pas à railler ses adversaires de l’opposition, notamment les plus jeunes. « Le candidat que je suis, c’est un candidat multidimensionnel, à la différence des autres qui n’ont qu’une seule expérience », affirme aujourd’hui l’ex-ministre de la Fonction publique, démissionnaire du gouvernement en 1992, et ancien administrateur civil à l’École nationale d’administration et de la magistrature du Cameroun.
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Candidat pour la troisième fois, après des échecs en 2004 et en 2011, Garga Haman Adji veut s’ériger cette fois en candidat de la « compétence » et de « l’expérience ». Il s’est ouvert à Jeune Afrique, juste avant le début de sa tournée de campagne.
Jeune Afrique : Votre parti a claqué la porte de la concertation entre Elecam, l’organe chargé d’organiser les élections, et les acteurs du processus électoral, le 6 septembre dernier. Que s’est-il passé ?
Garga Haman Adji : Le secrétaire général de mon parti, que j’avais envoyé sur place, m’a indiqué par téléphone que des personnes se chamaillaient dans la salle. Les partis qui soutiennent le président et les autres partis présents ne s’entendaient pas sur le code de bonne conduite à adopter. On nous demande pourtant de respecter la loi, de la même manière qu’il faut respecter les candidats. Personne ne peut ignorer cela et cette agitation a montré que certains candidats étaient sous-estimés. J’ai donc demandé au secrétaire général de mon parti de rentrer, comme les autres acteurs présents ne s’entendaient pas.
Si les populations vous font confiance, elles vous éliront et déposeront ensuite les armes. Mais si ce n’est pas le cas, elles poursuivront le conflit
Les questions sécuritaires constituent la thématique centrale de cette élection. Que proposez-vous pour ramener la paix dans les régions anglophones ?
La crise anglophone n’est pas un problème insoluble. C’est une question de confiance. Si les populations vous font confiance, elles vous éliront et déposeront ensuite les armes. Mais si ce n’est pas le cas, elles poursuivront le conflit. Des frères qui s’affrontent, je ne pense pas que ce soit bon le chemin à suivre. C’est une bataille stupide.
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Notre programme politique prévoit la création de quatre régions. Les anglophones réclament deux étoiles sur le drapeau, correspondant à deux États, mais nous leur proposons quatre étoiles. Ce n’est évidemment pas la question centrale – le nombre d’étoiles sur notre drapeau ne va pas augmenter le développement du Cameroun -, c’est avant tout un symbole.
Au final, êtes-vous plutôt favorable au fédéralisme ou pour la décentralisation ?
Le fédéralisme est une forme de décentralisation. C’est la même chose. Dans mon programme, j’ai pensé à des régions déconnectées du gouvernement central. Ce qui n’est pas le cas actuellement. On parle de décentralisation, mais le ministère qui s’en occupe s’accroche aux compétences des collectivités locales. Nous voulons abolir cette situation que décrivent notamment nos frères anglophones.
La Conac n’a aucun moyen légal pour lutter contre la corruption, elle se contente de faire des rapports
Vous êtes membre de la Commission nationale anti-corruption (Conac), créée en 2006 par le président Paul Biya. Mais après douze ans d’exercice, ce fléau continue de gangrener le pays. Pensez-vous pouvoir éradiquer la corruption une fois à la tête de l’État ?
J’ai intégré la Conac parce que le gouvernement avait apprécié l’action que je menais avec mon ONG « Bonne conscience », créée en 1990 pour lutter contre la corruption. Huit ans plus tard, le gouvernement a décidé de récupérer cette idée en me mettant dans une nouvelle Commission. À la demande de Paul Biya, j’ai me suis ensuite engagé auprès de Philémon Yang [le premier ministre actuel, ndlr] à ne pas démissionner de cette institution.
Cependant, cet organisme n’a aucun moyen légal pour lutter contre la corruption et c’est le problème. La Conac se contente de faire des rapports. Elle a un nom certes, mais nous ne sommes pas capables d’éradiquer ce problème à cause de notre législation. Si le fonctionnement de cette institution était régi par une loi, et non pas par un décret, nous pourrions par exemple effectuer des contrôles à l’Assemblée nationale. Ce qui n’est pas le cas actuellement, car nous sommes du pouvoir exécutif.
Sur le plan économique, vous proposez une réconciliation entre le capital et la force ouvrière, de quoi s’agit-il précisément ?
Le nouveau système économique que je propose, l’ »économie humaniste », est basé sur l’idée qu’une fusion entre le capital et le travail permettrait de mettre les acteurs ensemble, et qu’ils se comprendrons.
Il faut par exemple intégrer ceux qui ont la force de travail dans le corps des actionnaires. Le gouvernement a d’ailleurs commencé à copier cette idée : depuis deux ans, une loi oblige que les employés soient membres du conseil d’administration de leur entreprises et qu’ils soient élus par les délégués du personnel, afin qu’ils deviennent membres au même titre que les actionnaires représentant l’État, ou tout autre actionnaire.
C’est honteux de s’endetter pour acquérir des biens de consommation, il faut s’endetter pour investir dans des projets rentables
La dette du Cameroun s’élève à plus de 6 000 milliards de F CFA, soit 30% du PIB. En Chine par exemple, le président sortant a sollicité de nouveaux financements. Que pensez-vous de l’endettement du pays ?
C’est honteux de s’endetter pour acquérir des biens de consommation, il faut s’endetter pour investir dans des projets rentables. Les emprunts doivent d’abord être conditionnés par des projets capables de secréter leur remboursement.
Quand je contrôlais les entreprises en charge de la téléphonie mobile, j’ai trouvé qu’elles n’avaient pas payé 170 milliards d’impôts sur la période que j’analysais. Au même moment, le ministre des Finances avait lancé des emprunts à hauteur de 150 milliards de francs, soit 20 milliards de moins que la dette de ces entreprises. Il suffisait qu’ils fassent tout pour recouvrer ces impôts, et ils n’auraient alors pas eu besoin d’emprunter.
Si vous êtes élu le 7 octobre prochain, une parité hommes-femmes sera-t-elle prise en compte dans votre gouvernement ?
Pour moi l’approche du genre, c’est l’approche de la compétence. C’est cela que je recherche. Si une femme est compétente, je ne vois pas en quoi je la mettrais de côté et prendrais à la place un homme incompétent.
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Présidentielle au Cameroun : huit candidats dans la course
Huit candidats, dont le président sortant Paul Biya, s’opposent lors de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. Un scrutin qui se déroule dans un contexte sécuritaire tendu, en particulier dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, secouées par un conflit opposant le gouvernement à des séparatistes.
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