Pure players, des challengers en quête d’équilibre
Les sites internet d’information sont de plus en plus nombreux dans le paysage médiatique africain. Peu d’entre eux parviennent néanmoins à développer un modèle économique viable.
Médias : le marketing digital étend sa toile
Ils s’appellent tuniscope, dakaractu, webmanagercenter, infomediaire ou maghrebemergent. Ce sont des pure players, des sites d’information non adossés à un titre de presse papier. Depuis quelques années, leur nombre explose tant leur création est rapide et peu coûteuse. Certains sont spécialisés, mais la plupart se veulent généralistes, de nombreux sites subsahariens étant particulièrement portés sur les « people » et les faits divers, une façon de remporter « la guerre du clic ».
Dans la mesure où aucun ne fait encore payer ses informations, le modèle économique de ces médias gratuits consiste à attirer un maximum d’internautes pour « monétiser » leur notoriété auprès des annonceurs. « Un modèle d’affaires qui a montré ses limites partout dans le monde », prévient Abdelkhalek Zyne, consultant médias au Maroc.
Le modèle économique de ces médias gratuits consiste à attirer un maximum d’internautes pour « monétiser » leur notoriété. Une approche qui a déjà montré ses limites.
C’est ainsi que maliactu.net, créé en 2007 – 15e au Mali selon le classement alexa.com, qui fournit des statistiques sur le trafic du Web mondial – parvient à générer environ 8 000 euros de chiffre d’affaires par mois, indique Diarra Sega, son correspondant à Paris. De quoi rémunérer une équipe de huit journalistes, qui rédigent des articles et reprennent, comme la plupart des sites de la région, ceux de journaux papiers.
« Nos annonceurs sont essentiellement des opérateurs qui s’adressent à la diaspora dans le transfert d’argent, la téléphonie mobile, la banque… précise Diarra Sega. Ils payent leurs bannières au-dessus de 1 000 euros par mois, alors que les locaux, comme l’opérateur Malitel, essaient de tirer les tarifs sous cette barre. »
La concurrence déloyale des journaux papier ?
En Algérie, tsa-algerie.com (« Tout sur l’Algérie ») est devenu depuis début 2014, avec ses dix journalistes, le premier site d’information francophone du pays, devant le site du prestigieux journal El Watan. Créé en 2007 et enregistré en France, il revendique 3,5 millions de visiteurs uniques en avril, dont 40 % à l’étranger, et dix millions de pages vues.
« On se finance à travers la publicité privée algérienne et depuis quelques mois via des régies étrangères, indique Lounès Guemache, son fondateur. Le site dégage des profits, mais on reste fragile. » Le problème est que les pure players en Algérie n’ont pas accès au statut ANEP (Entreprise nationale d’édition et de publicité), accordée par une régie chargée de gérer la publicité publique, explique Belkacem Mostefaoui, professeur à l’École supérieure de journalisme d’Alger.
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Dans ces conditions, poursuit Lounès Guemache, les sites d’information des quotidiens – qui eux disposent de ce statut – peuvent casser les prix de leurs bannières en les vendant entre 200 000 à 400 000 DA par mois. Même difficulté à attirer les annonceurs sur le web au Maroc, témoigne Mohamed Laraki, le patron de H24info.ma. Quand Internet attire 30 % des investissements publicitaires globaux en Europe, ces derniers plafonnent encore à 2,5 % dans le royaume chérifien.
Fournisseurs de contenu et patrons « transmedia »
Pour assurer un développement pérenne, agenceecofin.com, créée en 2011 en Suisse, monnaye une audience de 750 000 visiteurs (janvier 2014), dont la moitié en Afrique, aux entreprises. Elle facture des services de promotion, avec rédactionnel, 5 800 euros les six mois et des « communiqués de presse » entre 700 et 2 100 euros les trois mois, alors que le prix des bannières va de 495 à 1 400 euros par mois.
Preuve des difficultés des médias d’information entièrement en ligne : la diversification de afrik.com, le plus vieux pure player dédié au continent. « Nous avons doublé notre audience l’année dernière, mais la rémunération de la publicité baisse de 30 % chaque année, regrette Olivier Zegna Rata, fondateur du site, installé à Paris. C’est l’activité d’afrik.tv, avec la production et la vente de reportages à 80 chaînes de télévisions africaines et internationales, qui tire la croissance de la société ».
Plusieurs patrons de presse misent de leur côté sur la diversité des mediums. Bougane Gueye Dani, patron du groupe DMedia au Sénégal, a lancé actunet.sn (33e au Sénégal selon Alexa), lui qui est déjà le patron d’une chaîne, SenTV, d’une station de radio, Zik FM, et du quotidien La Tribune.
Plusieurs patrons de presse misent de leur côté sur la diversité des mediums pour assurer leur rentabilité.
7 millions de dirhams investis pour H24info.ma
Au Maroc, Mohamed Laraki suit la même politique. Déjà présent dans la presse magazine (Plurielle, L’Officiel…) et pionnier du gratuit au Maroc, il a mis les bouchées doubles pour lancer en juin 2013 H24info.ma. À la fin de cette année, Il y aura injecté environ 7 millions de dirhams dans son développement, dont 2,5 millions en marketing.
Son groupe familial, Geomedia (38 millions de DH attendus en 2014), compte parmi ses actionnaires le fonds de capital-risque Altermed Maghreb. Pour assurer sa réussite, le jeune patron s’est associé au quotidien français Le Figaro, qui lui fournit du conseil et des articles. Les deux partenaires pourraient même investir dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. Mohamed Laraki se donne deux ans pour atteindre l’équilibre entre charges et recettes.
Sa régie publicitaire lui permet déjà d’offrir aux annonceurs des packs plurimedia. « Le site en arabe est déjà prêt, ajoute-t-il, mais le volume de publicité est encore trop faible. » Alors que les lecteurs sont majoritairement arabophones au Maroc, ce sont les medias francophones qui attirent deux tiers du marché de la publicité. Un handicap de taille pour hespress.com, créé artisanalement en 2007, et qui bien que devenu le site plus consulté du pays, manque encore de fonds pour se développer.
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