Patrimoine : la cité antique romaine de Sabratha menacée par le chaos libyen
Présence de groupes armés, trafics, absence mesures concrètes de conservation… Comme d’autres sites du patrimoine libyen, l’antique cité de Sabratha, inscrite sur la liste du patrimoine mondial en péril par l’Unesco en juillet 2016, est aujourd’hui menacée.
S’étendant sur 90 hectares, avec une partie engloutie par la mer, la cité romaine de Sabratha est l’une des trois villes de l’ancienne Tripolitaine romaine, avec Oea, l’actuelle Tripoli, et Leptis Magna (ouest). Mais, entourée d’herbes et de plantes sauvages asséchées par le soleil et le sel du vent marin, elle est aujourd’hui à l’abandon : alors que sa conservation était autrefois confiée à des missions archéologiques occidentales, ces derniers ne sont plus venus en Libye « depuis quatre ans, en raison du chaos et de l’insécurité », déplore Mohamad al-Chakchouki, chef du Département libyen des antiquités, un organisme public.
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Pire, pour Mohamad Abou Ajela, responsable du bureau des antiquités de Sabratha, si la cité continue de subir les effets de l’érosion et la dégradation de la pierre, ce sont les « dégâts causés par l’homme (qui) sont davantage à craindre ».
« Le retranchement de groupes armés à l’intérieur des sites archéologiques et les batailles qui se déroulent près ou sur les sites, dont Sabratha, constituent un danger permanent », précise Mohamad al-Chakchouk. Construit entre les IIe et IIIe siècles, le majestueux amphithéâtre de la cité romaine voit ses colonnes de marbre rose défigurées par des impacts de balles et d’obus. Des douilles rouillées jonchent le sol près des ruines de ce qui fut l’un des joyaux de l’empire romain.
Selon des habitants, des snipers étaient postés en haut de l’amphithéâtre lors des combats qui ont éclaté entre des groupes armés en septembre et octobre 2017, faisant 39 morts et 300 blessés.
Nécropoles pillées
Outre les violences, plusieurs sites libyens protégés sont aujourd’hui menacés par l’expansion urbaine, comme Cyrène, trésor de l’ère hellénique, dans l’est de la Libye. Profitant du chaos et revendiquant la propriété des terrains, des habitants construisent dans le périmètre du site archéologique protégé sans être inquiétés.
Depuis la chute en 2011 du régime de Mouammar Kadhafi, la ville moderne de Sabratha, à environ 70 km à l’ouest de la capitale Tripoli, est devenue le principal point de départ de l’immigration clandestine, les passeurs et les milices profitant du vide sécuritaire dans la région pour faire régner le chaos en toute impunité.
Les pillages constituent une autre menace, la sécurité défaillante ayant favorisé les fouilles clandestines et le trafic d’antiquités. Plusieurs cas de vols d’objets antiques ont été répertoriés. En mars, le ministère espagnol de l’Intérieur a annoncé avoir saisi « de nombreuses œuvres d’art originaires des régions de la Cyrénaïque (est) et de la Tripolitaine (ouest), (dont) sept mosaïques, des sarcophages et des pièces d’origine égyptienne ». Selon Madrid, « il a été prouvé qu’elles provenaient des sites d’Apollonie et de Cyrène, deux nécropoles pillées par des groupes terroristes ».
Sauver ce qui peut l’être
Le Département des antiquités tente de sauver ce qui peut encore l’être, en fermant les musées, notamment celui de Tripoli, ou en transférant des trésors archéologiques en « lieu sûr ».
L’Unesco a déclaré en péril la cité antique de Sabratha, et quatre autres sites libyens, en juillet 2016, justifiant sa décision par « les dommages déjà survenus et les graves menaces qui pèsent sur ces sites ». L’organisme onusien a rappelé que le pays était « soumis à une forte instabilité » et que des « groupes armés » étaient « présents sur ces sites ou à proximité immédiate ».
À Sabratha, une mission archéologique espagnole a récemment signé un « accord pour la restauration de certains sites, notamment le théâtre », d’après M. Abou Ajela. Mais le responsable libyen en est conscient: tout « dépendra de la situation sécuritaire ».
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