Yerodia de retour

La nomination par le chef de l’État de l’ancien ministre des Affaires étrangères au poste de vice-président ne fait pas l’unanimité.

Publié le 25 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Le 21 avril, Abdoulaye Yerodia Ndombasi, 68 ans, ancien ministre des Affaires étrangères puis de l’Éducation nationale de feu Laurent-Désiré Kabila, en « réserve de la République » depuis le 5 avril 2001, a été désigné vice-président de la République pour le compte de la composante gouvernementale. C’était à l’issue d’un Conseil des ministres extraordinaire présidé par le chef de l’État congolais Joseph Kabila et auquel a assisté le promu qui, gagné par l’émotion, n’a pu retenir ses larmes…
Voilà donc, de nouveau sur le devant de la scène, le psychanalyste atypique, disciple de Jacques Lacan, amateur de cigares, qui avait surpris nombre de ses amis en acceptant le poste de directeur de cabinet de Laurent-Désiré Kabila. Sa désignation met fin au suspens qui régnait dans la mouvance présidentielle depuis la signature de l’accord de Pretoria, le 17 décembre 2002. Le texte prévoit la nomination de quatre vice-présidents respectivement issus du gouvernement, des deux grandes rébellions que sont le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et le Mouvement de libération du Congo (MLC) ainsi que de l’opposition non armée.
Si Jean-Pierre Bemba, le leader du MLC, a téléphoné à Yerodia pour le féliciter de son retour, le RCD-Goma, l’autre mouvement rebelle, a récusé le nouveau vice-président, sans doute pour ne pas avoir à croiser le fer avec ce fort en thème, intellectuel attitré de l’ancien régime. Lequel, il n’y a pas longtemps encore, multipliait les sorties intempestives contre les mouvements armés et autres « envahisseurs » du Congo.
Le directeur-adjoint du cabinet présidentiel Samba Kaputo, secrétaire général du gouvernement, a expliqué que Yerodia a été choisi par « consensus » au sein de la mouvance présidentielle. Il a souligné « l’engagement de l’homme pour la cause nationale ainsi que la lutte menée au sein du gouvernement depuis la révolution du 17 mai 1997 », date de l’arrivée triomphale des troupes de Laurent-Désiré Kabila à Kinshasa.
La vérité est qu’entre Yerodia et le président Joseph Kabila les liens n’ont jamais été rompus. Interrogé en février 2002 dans sa villa cossue du quartier de la Gombé, à Kinshasa, l’ancien chef de la diplomatie expliquait à J.A.I. qu’il allait bientôt prendre la présidence de l’Assemblée nationale. Et précisait qu’en attendant il jouait, dans l’ombre, le rôle de conseiller du chef de l’État, dont il a été, en janvier 2001, l’un des premiers à proposer le nom pour remplacer, au pied levé, son père, qui venait d’être assassiné. Yerodia n’a pas accédé au perchoir, mais il est resté proche de Joseph Kabila.
Ce dernier a donc remercié un « kabiliste pur et dur », qui, aussitôt après sa nomination, s’est rendu dans l’après-midi même au siège de la Fondation puis au mausolée du Mzee Laurent-Désiré Kabila. En rappelant aux affaires un compagnon de la première heure de son père – qui ne lui portera pas ombrage -, le numéro un congolais marque sa volonté de rallier certains des « anciens » mis sur la touche depuis son arrivée au pouvoir. Quelque peu marginalisés, ceux-ci montraient de plus en plus de signes de mécontentement. En prévision des futures échéances électorales qui devraient se tenir vingt-quatre mois après l’investiture du gouvernement d’union prévu dans les accords de Pretoria, Kabila tentera d’unir les anciens et les nouveaux « kabilistes », ceux de son père et les siens propres.
Il cherche également à attester de sa bonne foi et à prouver à la communauté internationale que les blocages du processus de réconciliation ne viennent pas de lui, mais des autres acteurs du Dialogue inter-conglolais : « La Constitution de la transition a été promulguée le 4 avril 2003, et le président Kabila a prêté serment le 7 avril. Et dans les prochains jours, le gouvernement transmettra la liste complète de ses représentants au Sénat et au gouvernement », souligne-t-on à Kinshasa.
En attendant, Yerodia savoure son retour. Même s’il reste toujours dans le collimateur de la justice belge depuis que, le 11 avril 2000, le juge d’instruction belge Damien Vandermeersch a lancé à son encontre un mandat d’arrêt international pour des propos tenus en août 1998 et qualifiés d’incitation à la haine raciale.

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