Algérie : l’État français condamné pour les conditions « indignes » des camps de harkis

Pour la première fois, la plus haute juridiction administrative française a condamné, le 3 octobre, l’État à indemniser un fils de harki pour les conditions de vie « indignes » réservées aux supplétifs de l’armée française en Algérie à leur arrivée en France.

Le Conseil d’État à Paris. © Wikimedia Commons

Le Conseil d’État à Paris. © Wikimedia Commons

Publié le 3 octobre 2018 Lecture : 3 minutes.

Dans une décision publiée mercredi 3 octobre, le Conseil d’État a condamné la France à verser 15 000 euros à un fils de harki né et ayant grandi dans des camps de transit, dans les années 1960.

« La responsabilité pour faute de l’État doit être engagée à raison des conditions de vie indignes réservées à l’intéressé » dans ces camps, dits de transit et de reclassement, dans les années 1960 et 1970, a indiqué le Conseil d’État, condamnant l’État à verser 15 000 euros au plaignant « en réparation des préjudices matériels et moraux ».

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C’est la première fois que le Conseil d’État, saisi d’une demande de réparation liée à l’accueil des harkis en France, reconnaît l’État responsable et le condamne à verser une indemnisation, a indiqué à l’AFP une source au sein de la juridiction.

Cette décision intervient après la reconnaissance, le 13 septembre, de la responsabilité de la France dans la mort du militant communiste Maurice Audin pendant la guerre d’Algérie. Un « plan harkis » à hauteur de 40 millions d’euros sur quatre ans a également été annoncé fin septembre, destiné notamment à revaloriser les pensions des anciens combattants.

« Séquelles »

Le requérant était né au camp « Joffre » de transit et de reclassement des anciens supplétifs de l’armée française en Algérie, situé à Rivesaltes, dans le sud-ouest de la France, avant d’être transféré en 1964 au camp de Bias, à quelque 350 kilomètres de Rivesaltes, où il a vécu jusqu’en 1975.

Dans ces camps, les conditions de vie ont entraîné chez le plaignant « des séquelles » qui ont « exigé un accompagnement médico-psycho-social » et « ont aussi fait obstacle à son apprentissage du français », précise le Conseil d’État.

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Pas de condamnation pour le « non rapatriement des harkis et de leurs familles »

La haute juridiction ne s’est en revanche pas prononcée sur le préjudice lié, selon le requérant, à l’absence de rapatriement des harkis et de leurs familles après la signature des accords d’Évian du 18 mars 1962 qui ont mis fin à la guerre d’Algérie.

En effet, sur les quelque 150 000 Algériens recrutés par l’armée française comme auxiliaires durant la guerre d’Algérie, environ 60 000 ont pu rejoindre la métropole dans des conditions précaires. Les autres ont été livrés à leur sort en Algérie, où le nouveau régime les considérait comme des traîtres.

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Cependant, « conformément à sa jurisprudence, le juge ne contrôle pas (…) les actes qui se rattachent à l’action du gouvernement dans la conduite des relations internationales et leurs éventuelles conséquences », précise la juridiction.

Le président François Hollande avait été le premier chef d’État français à reconnaître la responsabilité des autorités dans le traitement des harkis. « Je reconnais les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des harkis, les massacres de ceux restés en Algérie et les conditions d’accueil inhumaines de ceux transférés en France », avait-t-il déclaré devant les représentants des harkis, le 25 septembre 2016.

Feuilleton juridique

Le plaignant n’en était pas à sa première tentative. Il avait d’abord saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), lui demandant de condamner l’État à lui verser la somme de 1 million d’euros en réparation des préjudices qu’il estime avoir subis « du fait de l’abandon des anciens supplétifs de l’armée française par la France (…) ainsi que des conditions d’accueil et de vie qui leur ont été réservées ainsi qu’à leurs familles sur le territoire français. »

Le tribunal administratif avait rejeté cette demande en juillet 2014, tout comme la cour administrative d’appel de Versailles, en mars 2017. Le requérant s’est donc pourvu en cassation devant le Conseil d’État.

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