Triple scandale

Publié le 25 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

« La mise à sac du musée archéologique de Bagdad est un crime contre l’humanité. » Cette formule de Jacques Chirac, la phrase la plus sensée qu’il ait prononcée depuis le début de la crise irakienne, traduit bien un triple scandale.

Le premier, majeur, et proprement impardonnable, quelles que soient les excuses avancées, tient à l’incapacité – voire au refus – des autorités militaires américaines de protéger le musée. Il suffisait d’un char et de quelques parachutistes pour empêcher le saccage. Et les officiers sur place, peut-être culturellement irresponsables, auraient dû recevoir, en ce sens, des instructions impératives d’une hiérarchie théoriquement plus éclairée – et, en tout cas, informée. Les G.I.’s se sont employés à « sécuriser » les puits de pétrole, mais qui se soucie des coupes sumériennes, des statues assyriennes ou de tablettes cunéiformes ?

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Le deuxième scandale, rétrospectif mais significatif, est l’absence, de la part de Saddam Hussein, de la moindre mesure de protection. Dans les pays civilisés, quand une guerre menace, on s’efforce de mettre à l’abri les collections les plus précieuses : en 1939, c’est ce que firent, notamment, la France et la Pologne. Mais Saddam, qui se voulait l’héritier de Nabuchodonosor, n’a pas jugé bon de sauvegarder son héritage.

Troisième scandale, enfin : pillage et vandalisme ont été l’oeuvre de jeunes voyous, sans doute analphabètes, mais irakiens. Dans tout conflit, ces explosions de barbarie sont généralement le fait d’envahisseurs ou, parfois, de fanatiques religieux. À Bagdad, ce sont des Bagdadis, fils de la Mésopotamie, qui s’en sont pris aux témoignages inestimables de la civilisation mésopotamienne, creuset historique de leur pays. Triste indication de leur niveau intellectuel, donc de l’éducation qu’ils ont – ou n’ont pas – reçue.
Ce qui conduit à une réflexion politiquement incorrecte : en Irak, comme dans d’autres pays, on dénonçait volontiers le « pillage » par l’Occident des trésors artistiques nationaux. Du moins, les vilains Occidentaux, quand ils « pillaient », c’était pour enrichir leurs musées, sauvant ainsi lesdits trésors. Si lord Elgin ne s’était pas ruiné pour acquérir métopes et frises du Parthénon (dites depuis Elgin Marbles), avant de les céder au British Museum, elles auraient probablement fini en pierre à chaux, comme bien d’autres sculptures de l’Acropole, dans l’indifférence des autorités ottomanes de l’époque. Et si la magnifique stèle du « Code d’Hammourabi », découverte en 1902 par une mission française, n’avait pas trouvé place au Louvre, elle serait aujourd’hui réduite en miettes, brisée par ceux-là mêmes qui auraient dû la révérer.

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