Sexes en noir et blanc
Publié le 28 avril 2003 Lecture : 3 minutes.
Je me rappelle que Francis Kpatindé se plaignait, il y a quelques mois, dans un de ses articles, de l’image qu’on donnait des hommes noirs à travers la publicité en France, illustration à l’appui, avec la publicité pour la carte EGG où on pouvait voir un Noir en string se faire bronzer sur la plage.
Les publicitaires ont apparemment récidivé car même dans une publicité parue dans Campus n° 1, le magazine de la Mutuelle des étudiants en France, ainsi que sur de nombreuses affiches dans les facs, on peut voir l’image d’un Noir agrémentée d’un texte au goût douteux sur ses attributs sexuels.
Cette image est certes un progrès car ici on fait prendre conscience aux étudiants qu’un Noir peut avoir 18 pas forcement en centimètres entre les cuisses mais en points aux partiels. Cela, franchement, on le sait déjà, quand on voit le nombre élevé d’étudiants africains et antillais dans nos universités et leurs résultats aux examens. Cela dit, elle rabaisse une fois de plus le Noir à l’image qu’on donne de lui en général, à savoir celle d’être une force de la nature avant d’être une force de l’esprit.
Je parle de cela en connaissance de cause car, bien que je sois aussi blanc qu’un savoyard peut l’être, je voyage souvent en Afrique et j’ai autant d’amis noirs que blancs, et j’ai souvent la désagréable surprise d’entendre toujours la même rengaine lorsque je parle de mes voyages et de mes amis à des toubab/mundele : « Alors il paraît qu’ils ont des grosses … ? », « Ta copine sénégalaise devait être habituée à plus gros avec les Dakarois ! »…
Le fantasme dans lequel tout le monde se complaît est aussi tenace que ridicule, dans la mesure où, même si je n’ai pas vérifié personnellement à cause de mon orientation hétéro, des études sérieuses menées sur le sujet ont prouvé que le nombre moyen de centimètres était égal entre les Blancs et les Noirs, avec cependant des variantes selon les régions ou les groupes ethniques.
Il y a donc un grosse nuance à faire dans ce domaine, et il est donc absurde, et à la limite aussi insultant que flatteur, de prêter aux Noirs cette faveur de la nature, tout comme il est absurde de constater benoîtement que « c’est toujours des Noirs qui gagnent les courses à pied », alors qu’il faudrait plutôt regarder la région d’origine et aussi le milieu social, plutôt que la couleur, pour comprendre ce phénomène…
Malheureusement, certains Noirs reprennent à leur compte ce phénomène et en font un argument à peine voilé, s’en vantent pour attirer l’attention de leur proie. Les femmes noires pâtissent, elles aussi, de ce phénomène, et il n’est pas rare de voir des gens se retourner sur elles dans la rue et de lancer des commentaires salaces à leur sujet. Moi-même quand je marche dans la rue à coté de mon amie sénégalaise, les regards prennent des directions indécentes…
En France, il est encore trop rare de voir un homme blanc au bras d’une fille noire, et les sentiments des passants oscillent entre jalousie et ironie. Même dans l’entourage on se voit gratifié d’agréables réflexions du genre : « Y’a pas assez de Blanches en France, il faut que tu te tapes une Africaine », ou, envieux : « Elle doivent être trop bonnes, les Africaines, elles, sont hyperchaudes », comme si le climat de son pays avait un rapport avec la qualité de ses câlins.
À Dakar : si on évite de se tenir la main en public, il faut bien qu’on marche l’un à côté de l’autre, et les regards se font tantôt amusés tantôt menaçants. Il n’est pas rare qu’on se fasse insulter, comme si un couple homme blanc/femme noire ne pouvait pas être sincère et honnête… C’est là que l’homme blanc souffre d’une même forme de racisme que celle dont souffre l’homme noir en France. Et ce ne sont pas les nombreux cas de tourisme sexuel ou de mariages bidons qu’on observe ici et là qui vont nous faciliter la vie et améliorer l’image sexuelle du Blanc auprès du Noir, et du Noir auprès du Blanc. s
Sébastien Reigner, Chambéry, France
