Sahara : le temps du partage

Il est désormais évident que la construction du Maghreb est sans cesse retardée à cause de la non-résolution du conflit du Sahara occidental. Seule une solution politique peut sortir les parties prenantes du bourbier dans lequel elles se sont empêtrées. Les dernières propositions de l’envoyé spécial des Nations unies, James Baker, ont pour le moins le mérite d’être marquées du coin du pragmatisme.

Publié le 28 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Mais la solution qui convient le mieux, me semble-t-il, est celle du partage. Elle permet de trancher, même si c’est de manière douloureuse, la notion de souveraineté territoriale qui est à la base même du conflit. Elle repose sur un « précédent juridique », celui des accords de Madrid, par lesquels le Sahara a déjà fait l’objet d’un partage dans le début des années soixante-dix entre le Maroc et la Mauritanie, sous la supervision de l’Espagne.
En effet, dans un conflit de ce type où chaque partie se réfugie derrière ses propres certitudes historiques, il est absolument impossible de se prononcer pour ou contre les prétentions de chacun. Le référendum, si l’on y arrive un jour et quel que soit son résultat, laissera toujours un arrière-goût d’amertume qui poussera un jour ou l’autre les extrémistes à raviver le brasier.
Alors qu’une fois accepté, le partage permettrait d’aller au-delà de la dimension affective attachée aux droits du sang et du sol. C’est une solution médiane. Et, comme on dit, mieux vaut un mauvais compromis qu’un désaccord permanent.

Le partage constitue également l’une des options les plus réalistes à même d’éteindre ce conflit fratricide, car le but premier à atteindre ici devrait être celui d’amener les ex-belligérants à réapprendre à vivre côte à côte pour ensuite essayer, une fois la confiance retrouvée, de s’apprécier. Pour y arriver, il faut dépassionner les débats, ne plus se figer dans des positions absolutistes, bref ne plus avoir de blocage psychologique pour accepter l’existence d’un État souverain sur une partie du Sahara à côté du royaume marocain.
L’essentiel, dans tout cela, est de respecter, de manière formelle et solennelle, l’identité des peuples qui ont lutté et qui se sont sacrifiés pour pouvoir exister et être reconnus comme tels, tout en préservant sur le terrain le rapport des forces existant et les intérêts en présence. Après cela, et pour préparer l’avenir, l’intelligence et la raison commanderont à oeuvrer ensemble à dépasser rapidement les problèmes politiques et institutionnels latents grâce à la coopération économique. Il conviendrait, en effet, dans la foulée des reconnaissances mutuelles de souveraineté, de s’orienter immédiatement vers la constitution d’un espace économique intégré (union sous-régionale).

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Les notions d’indépendance, de souveraineté, de frontières (tout en gardant leur importance) ne constitueront plus dorénavant que des symboles. Ce seront en fait les économies les plus performantes qui mèneront à l’avenir le jeu par la conquête des marchés. Et cela ne serait pas plus mal car ce qui compte, après tout, c’est de créer des richesses au profit des peuples. Un proverbe bien de chez nous ne dit-il pas qu’il faut toujours souhaiter la bienvenue à la pluie d’où qu’elle vienne ? Et gageons que l’intégration que n’ont pu réussir le fracas des armes et les fourvoiements diplomatiques en quelques décennies, la libre circulation des personnes, des marchandises et des services y arrivera en un tournemain.

Il reste seulement à espérer que les antagonistes ne continueront pas à se complaire dans la facilité derrière des positions dogmatiques et négatives en privilégiant l’immobilisme. Ils croient gagner du temps, or ils sont tous en train d’en perdre, et à quel prix ! Ils feraient mieux de saisir l’idée du partage pour trouver dans les meilleurs délais un compromis acceptable pour tous. Ils ouvriront, par la même occasion, une ère de raison qui sera propice à la construction d’un grand espace économique au profit de l’ensemble des populations de la région. Un Maghreb en paix constituera, en cette période tourmentée, un atout pour la sécurité, la coopération et les investissements potentiels.

* Ancien sénateur, Nouakchott, Mauritanie.

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