RDC – Tryphon Kin-Kiey Mulumba : « Kabila a été victime d’un complot »
Esquisse de leur programme, machine à voter, fichier électoral… Vingt-un candidats en lice pour la présidentielle du 23 décembre en RDC se livrent chaque semaine à Jeune Afrique. Entretien du jour avec Tryphon Kin-Kiey Mulumba.
Difficile de comprendre le positionnement de Tryphon Kin-Kiey Mulumba. Il y a quelques années encore, cet ancien ministre des Postes, puis des Relations avec le Parlement, faisait figure de partisan zélé du président Joseph Kabila, appelant de ses vœux un troisième mandat avec son mouvement « Kabila désir ».
En août dernier, il n’a pourtant pas attendu de connaître le choix du président pour se porter candidat à la magistrature suprême. À 69 ans, ce natif de Masimanimba s’élance donc face à Emmanuel Ramazani Shadary, candidat désigné par son mentor, à qui il continue pourtant de se dire fidèle…
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Jeune Afrique : Vous venez de la majorité. Mais vous vous êtes présenté avant que son candidat soit connu. Êtes-vous en rupture avec cette famille politique ?
Tryphon Kin-Kiey Mulumba : Je me suis présenté en réaction au traitement que l’élite congolaise réservé au président Kabila, que je trouve injuste. Il a été l’objet d’un complot, qui a abouti avec la désignation d’un dauphin. J’ai vu les événements venir. Et je me suis présenté contre cela.
Le dauphin investi par le Front commun pour le Congo (FCC), Emmanuel Ramazani Shadary, a pourtant été désigné par Joseph Kabila lui-même…
Avant son arrivée au pouvoir, Kabila ne connaissait ni le jeu, ni les joueurs, ni même la langue de Kinshasa. C’est pourtant lui que l’élite a décidé de porter au pouvoir, pour le manipuler. Il a dépensé toute sa jeunesse au service du Congo et l’élite ne l’a pas aidé.
Lorsqu’il en a pris conscience, il était encore jeune, mais, déjà, on lui a montré la sortie. Pourtant, dans notre région, l’Afrique centrale, des troisièmes ou quatrièmes mandats ont été accordés au nom de la stabilité et les questions de sécurité. Kabila a été sacrifié.
Je me suis présenté avant que l’on connaisse son nom. Avec Ramazani Shadary, je partage des valeurs
Pour vous, Joseph Kabila est une victime ?
Bien sûr. On ne l’a pas aidé. Il a été détruit non seulement par l’opposition, mais surtout la majorité. Regardez qui se trouve aujourd’hui dans l’opposition : c’est la majorité ! Aujourd’hui, le seul vrai opposant est Félix Tshisekedi.
Vous même vous vous présentez contre le candidat du FCC. Où vous situez-vous : dans l’opposition ou la majorité ?
Je ne me présente pas contre le candidat du FCC. Je me suis présenté avant que l’on connaisse son nom. Avec Ramazani Shadary, je partage des valeurs. Nous avons été au bureau politique ensemble. Mais je ne suis pas au FCC.
Envisagez-vous de vous désister en faveur de Ramazani Shadary ?
Pareille idée ne m’a jamais traversé l’esprit.
Réclamez-vous comme l’opposition des mesures pour assurer la transparence de cette élection ?
Bien entendu.
Il y a un accaparement de la RTNC, le seul média disponible dans tout le pays
Lesquelles ?
Je déteste la façon dont la communication officielle est conduite, avec un accaparement de la RTNC, le seul média disponible dans tout le pays. Les meetings en province ne sont autorisés qu’aux proches du pouvoir. Je trouve cela déplorable.
Je note que personne ne veut de la machine à voter. Et qu’il y a un débat sérieux sur les fameux électeurs sans empreinte. Il faut de la transparence.
Emmanuel Ramazani Shadary a-t-il les qualités requises pour diriger ce pays ?
Je crois que Ramazani a été choisi par le président de la République malgré lui. Le premier choix était [l’ancien Premier ministre] Matata Ponyo. Mais il n’a pas été aidé par les ténors de sa province.
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Êtes-vous toujours en contact avec Joseph Kabila ?
Plus depuis quelques mois. La dernière fois que je l’ai vu, c’était à l’issue d’un bureau politique à Kingakati. Il m’a fait l’honneur de me prendre par la main et de faire un tour d’une quinzaine de minutes dans le jardin avec moi.
C’était avant la réunion des regroupements politiques du mois de mai. Depuis, il m’a envoyé plusieurs fois des messages très positifs par l’intermédiaire d’Aubin Minaku. Mais je n’ai pas eu de contact téléphonique.
J’ai un fief. Et aucun candidat aujourd’hui n’a ce profil
Pouvez-vous résumer en une phrase les dix-sept années de pouvoir de Joseph Kabila ?
Joseph Kabila est l’homme qui a entrepris de donner une image moderne du Congo, avec ses cinq chantiers et sa révolution de la modernité. Malheureusement, les fonds chinois ne sont pas venus et il a vu se déployer devant lui un déluge de mensonge de l’élite politique.
Pour quelle raison les Congolais doivent-ils voter pour vous ?
J’estime être le candidat le plus crédible. J’ai été élu député national indépendant à une époque où on disant qu’un candidat indépendant n’avait aucune chance.
Je viens d’une province, le Kwilu, au Bandundu, qui est un swing state, sans lequel aucun président ne peut être élu. J’ai un fief. Et aucun candidat aujourd’hui n’a ce profil. Je veux recréer le consensus et la cohésion perdue pour redonner du rêve à ce pays. Et puis, on parle d’alternance. Mais faisons l’alternance jusqu’au bout.
Que voulez-vous dire ?
Une élection est aussi une question sociologique…
Vous voulez dire qu’il faut une alternance Est-Ouest ?
[il ne répond pas]
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