Qu’est-ce que la compétence universelle ?

Pourquoi la justice belge s’arroge-t-elle le droit de juger Ariel Sharon, Premier ministre israélien et donc ressortissant d’un État tiers ? Qui plus est pour des faits commis en dehors de la Belgique…

Publié le 28 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

En vertu d’une loi de 1993 dite de compétence universelle, modifiée en 1999, la justice belge peut poursuivre toute personne suspectée d’avoir commis un des crimes les plus graves (génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité), quelles que soient sa nationalité et celle de ses victimes, et qu’importe le lieu où les faits incriminés ont été perpétrés. Pourquoi cette prétention au rôle de justicier universel ? Pour une raison simple : les infractions en cause sont qualifiées de crimes internationaux, c’est-à-dire des faits portant préjudice à l’humanité entière. De la même façon qu’un État sanctionne les agissements touchant les personnes vivant sur son territoire, les infractions préjudiciables à l’humanité relèvent de la compétence de toute l’espèce humaine.
De ce point de vue, rien n’interdit à une nation de poursuivre au nom de tous les hommes, pourvu qu’elle respecte les règles universellement admises d’un procès équitable (principe de la présomption d’innocence, droit à la défense…). D’autant que l’élément de compétence territoriale disparaît par le simple fait que tous les êtres humains sont concernés par ces crimes censés causer du tort à tous.
La démarche était d’autant plus légitime qu’il n’existait pas de tribunal pénal international permanent chargé de juger les auteurs des crimes les plus graves. Ce qui est chose faite depuis le 11 mars, jour où les dix-huit juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont pris fonction à La Haye (Pays-Bas).
Créée par un traité international adopté par cent vingt États le 17 juillet 1998 à Rome, la CPI est destinée à juger les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocides commis après le 1er juillet 2002. Elle est compétente si la personne poursuivie est ressortissante d’un État partie au traité de Rome, ou si le crime est commis sur le territoire d’un État partie, ou encore si elle est saisie par le Conseil de sécurité de l’ONU. Personne ne peut se prévaloir d’une éventuelle immunité devant cette Cour. La qualité de chef d’État ou de gouvernement, de ministre ou de parlementaire, de représentant élu ou d’agent d’un État n’exonère pas de poursuites.
On s’achemine donc vers une vraie justice internationale qui présente un double avantage : elle aura plus de légitimité que l’action d’un État isolé et elle fermera la porte à toutes les accusations d’immixtion dans les affaires intérieures des autres États formulées contre la Belgique. C’est sans doute conscientes de cela que, le 5 avril 2003, les autorités de ce pays ont amendé la loi de compétence universelle en vue de prévoir la possibilité pour la justice belge de transférer devant la CPI certaines des plaintes pour crimes internationaux dont elle est saisie.

Pourquoi la Cour internationale de justice (CIJ) ne pouvait-elle pas jouer le rôle que s’est assigné la justice belge ?
La CIJ est le principal organe judiciaire des Nations unies. Elle a été instituée par la Charte de l’ONU du 26 juin 1945 pour assurer l’un des buts de l’organisation internationale : « Réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix. » La CIJ a donc pour mission, non pas de juger des individus coupables de crimes internationaux, mais de trancher les conflits entre États que ceux-ci lui soumettent.
En dehors de cela, elle donne des avis consultatifs sur les questions juridiques que lui posent les organes et les institutions spécialisées de l’ONU dûment autorisés à le faire.
La CIJ est donc une organisation appartenant au système des Nations unies et fonctionnant avec un budget entièrement fourni par celui-ci. Alors que la CPI est une organisation internationale indépendante de l’ONU et financée par les cotisations des États parties au traité de Rome.

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