[Tribune] Sahara occidental : Washington tape du poing sur la table
L’administration américaine ne veut plus se contenter de « gérer » la crise sur le Sahara occidental. Elle affiche ainsi deux priorités : secouer la Minurso et trouver une solution au conflit.
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Khadija Mohsen Finan
Politologue, spécialiste du Maghreb
Publié le 11 octobre 2018 Lecture : 3 minutes.
Dans son dernier rapport, publié en avril, le Conseil de sécurité des Nations unies insiste sur la nécessité pour le Maroc et le Front Polisario de rechercher une solution « réaliste, pragmatique et durable ». Le règlement du conflit, confié à l’instance au début des années 1990, prévoyait l’organisation d’une consultation référendaire en 1992. Elle n’a jamais eu lieu.
La situation est aujourd’hui gelée, et les positions des deux parties semblent inconciliables : autodétermination pour le Front Polisario, qui accepte toutefois de discuter l’autonomie d’un Sahara sous souveraineté marocaine ; plan d’autonomie, pas plus, pour Rabat.
L’impasse donne de l’ONU l’image d’une institution impuissante, à peine capable de renouveler le mandat annuel de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso). À cela près qu’António Guterres, secrétaire général de l’ONU, et Horst Köhler, son envoyé spécial pour le Sahara occidental, adoptent une nouvelle méthode pour briser le statu quo.
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Table ronde
Horst Köhler invite ainsi les pays frontaliers – Algérie et Mauritanie – et les deux protagonistes officiels – Maroc et Front Polisario – à prendre part à une table ronde, les 5 et 6 décembre prochain à Genève. Il ne s’agit pas de reprise des négociations à proprement parler, mais bien de discussions engageant l’ensemble des États concernés.
L’Algérie est, de fait, le tuteur du Front Polisario depuis 1975
Ce format inhabituel doit permettre à l’Algérie de s’asseoir autour de la table, elle qui refuse de s’impliquer dans des négociations, arguant qu’elle n’est pas un acteur du conflit. Mais sa présence est d’autant plus indispensable qu’elle est, de fait, le tuteur du Front Polisario depuis 1975. Elle lui a offert un sanctuaire à Tindouf et a longtemps mis sa puissante diplomatie à son service. Le Maroc répète d’ailleurs à l’envi que l’Algérie est le principal obstacle au règlement du dossier.
De son côté, le Maroc peut trouver un intérêt dans cette table ronde, qui lui évite de se retrouver en tête à tête avec le Front Polisario. Le royaume a toujours refusé de considérer le mouvement comme un interlocuteur indépendant et estime qu’il n’est rien d’autre qu’une organisation à la solde d’Alger.
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En 2017, la diplomatie marocaine a œuvré à isoler le Front Polisario. Le royaume a ainsi réintégré l’Union africaine (UA), alors qu’il avait quitté l’OUA en 1984 pour protester contre la reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Rabat a aussi tenté de faire condamner le mouvement sahraoui par la communauté internationale, en pointant la proximité de certains de ses éléments avec Aqmi et Daesh.
Le Front Polisario aura l’occasion de répéter son attachement à un principe cher à l’ONU : l’autodétermination des peuples et leur droit à la consultation référendaire
Rôle des déterminant des États-Unis
Si la rencontre onusienne a lieu, le Front Polisario aura l’occasion de répéter son attachement à un principe cher à l’ONU : l’autodétermination des peuples et leur droit à la consultation référendaire. Il pourra aussi prolonger sa bataille juridique contre le royaume – qu’il accuse de spolier les ressources naturelles de la région – en s’appuyant sur les avis rendus à deux reprises par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), en 2016 et en janvier 2018.
Le rôle des États-Unis sera déterminant. John Bolton, le conseiller de Donald Trump à la sécurité nationale, n’a rien oublié du rôle qu’il a joué en tant que conseiller de James Baker lorsque ce dernier était l’émissaire des Nations unies pour le Sahara de 1997 à 2004. Celui qui s’est imposé comme l’interlocuteur privilégié de l’administration Trump dans le dossier sahraoui est farouchement opposé au renouvellement automatique du mandat de la Minurso.
Secouer la Minurso et trouver une solution à un conflit qui n’a que trop duré
Cette dernière n’est plus, à ses yeux, au service de sa raison même d’être : l’organisation d’un référendum. Bolton juge qu’en prolongeant indéfiniment son mandat le Conseil de sécurité a de fait contribué à geler le conflit. Les États-Unis ont d’ailleurs insisté pour réduire le mandat de la mission à six mois, accentuant la pression sur Horst Köhler et sur les parties concernées.
Les États-Unis, à qui revient la présidence tournante du Conseil de sécurité depuis septembre, affichent deux priorités : secouer la Minurso et trouver une solution à un conflit qui n’a que trop duré. L’administration américaine ne veut plus se contenter de « gérer » la crise.
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