Irak : Nadia Murad, des mains de l’État islamique au prix Nobel de la paix

À 25 ans, Nadia Murad a survécu aux pires heures traversées par son peuple, les Yazidis d’Irak, jusqu’à en devenir une porte-parole respectée et à décrocher le Nobel de la paix le 5 octobre.

Nadia Murad, une Irakienne victime du groupe jihadiste Etat islamique (EI) et devenue porte-parole de sa communauté yazidie, lors de son discours au siège des Nations unies à New York, le 9 mars 2017. © AFP/Archives / KENA BETANCUR

Nadia Murad, une Irakienne victime du groupe jihadiste Etat islamique (EI) et devenue porte-parole de sa communauté yazidie, lors de son discours au siège des Nations unies à New York, le 9 mars 2017. © AFP/Archives / KENA BETANCUR

Publié le 5 octobre 2018 Lecture : 3 minutes.

« Mettre fin à l’emploi des violences sexuelles en tant qu’arme de guerre », selon le communiqué Nobel, c’est ce à quoi œuvrent Nadia Murad et le médecin congolais Denis Mukwege, qui ont reçu le prix Nobel de la paix le vendredi 5 octobre.

Jeune fille au visage fin et pâle encadré par de longs cheveux bruns, Nadia Murad aurait pu couler des jours tranquilles dans son village de Kosho, près du bastion yazidi de Sinjar (nord irakien), une zone montagneuse coincée aux confins de l’Irak et de la Syrie.

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Mais la percée fulgurante des jihadistes du groupe État islamique (EI) en 2014 en a décidé autrement. C’est en août, à bord de pick-up surmontés du drapeau de l’organisation, qu’ils ont fait irruption, tué des hommes, transformé en enfants-soldats les plus jeunes et condamné des milliers de femmes aux travaux forcés et à l’esclavagisme sexuel.

Un esclavagisme que Nadia Murad, comme son amie Lamia Haji Bachar, militante yazidi, avec laquelle elle obtenait en 2016 le prix Sakharov du Parlement européen, n’a de cesse de condamner. Devant le Parlement, les deux femmes ont affirmé que plus de 3 000 Yazidies sont toujours portées disparues, probablement encore captives.

Les jihadistes ont voulu « prendre notre honneur mais ils ont perdu leur honneur », affirmait aux députés européens celle qui a été nommée « ambassadrice de l’ONU pour la dignité des victimes du trafic d’êtres humains. »

Torture, viols, conversion forcée

Torture, viols collectifs, vente puis multiples reventes sur les marchés aux esclaves des jihadistes, reniement forcé de sa religion : rien ne lui aura été épargné car pour les combattants de l’EI et leur interprétation ultra-rigoriste de l’islam, les Yazidis sont des hérétiques.

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Kurdophones, les fidèles de cette religion ésotérique ancestrale croient au Dieu unique et au « chef des anges », représenté par un paon. L’Irak en comptait 550 000 membres avant 2014. Aujourd’hui, près de 100 000 d’entre eux ont quitté le pays et d’autres sont déplacés au Kurdistan.

Incapable d’endurer tant de viols et de violence », selon ses propres mots, elle a pris la fuite

Nadia Murad a directement été victime de ce trafic. Conduite de force à Mossoul, la « capitale » irakienne du « califat » autoproclamé de l’EI – reprise il y a plus d’un an -, son calvaire a duré durant de longs mois.

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Comme des milliers d’autres Yazidies, Nadia Murad a donc été « mariée » de force à un jihadiste qui l’a battue, racontait-elle lors d’un poignant discours devant le Conseil de sécurité de l’ONU à New York.

« Incapable d’endurer tant de viols et de violence », selon ses propres mots, elle a pris la fuite, un projet qu’elle parvient à mettre à exécution grâce à l’aide d’une famille musulmane de Mossoul.

Avec de faux papiers d’identité, elle gagne le Kurdistan irakien, à quelques dizaines de kilomètres à l’est de Mossoul, où elle rejoint les cohortes de déplacés entassés dans des camps.

Faire reconnaître « le génocide »

Après avoir appris la mort de six de ses frères et de sa mère, elle prend contact avec une organisation d’aide aux Yazidis qui l’aide à retrouver sa sœur en Allemagne.

C’est dans ce pays, où elle vit toujours et dont elle loue régulièrement l’accueil des Yazidis, qu’elle s’éveille au militantisme et devient une porte-parole de la cause yazidie. C’est donc depuis l’Allemagne qu’elle mène « le combat de (son) peuple » – selon ses mots – : faire reconnaître les persécutions commises en 2014 comme un génocide.

Un combat qu’elle mène aux côtés d’Amal Clooney, l’avocate et militante des droits de l’homme libano-britannique, qui a d’ailleurs préfacé le livre de Nadia Murad, Pour que je sois la dernière, paru en français en février.

Il y a un an exactement, après l’appel de l’avocate, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est engagé à aider l’Irak à réunir des preuves des crimes.

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