À Londres, Khalifa rase les murs

Publié le 25 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

C’est un homme brisé qui promène sa mine triste dans Hyde Park, ce lundi 7 avril. À 8 heures du matin, Rafik Abdelmoumen Khalifa, l’ex-milliardaire algérien de 36 ans, l’homme qui a fait rêver ses compatriotes avec sa compagnie d’aviation, sa banque et sa télé, fait sa balade quotidienne d’une heure et demie avec, à la main, un gobelet de café acheté à la boutique Tchibo du coin. Sanglé dans son costume Armani, Khalifa avance à pas lents, le regard lointain, presque halluciné. Deux jours plus tôt, il a pris un énième coup de massue sur la tête avec la publication, en une du Soir, l’un des principaux quotidiens d’Algérie, du fac-similé du mandat d’arrêt qui vient d’être délivré contre lui à Alger. […]
Khalifa risque sept ans de prison dans son pays pour « transfert illicite de fonds à l’étranger ». Il vit comme un terroriste des GIA recherché par les autorités de son pays : en exil dans une Grande-Bretagne bienveillante, puisqu’elle n’a pas signé d’accord d’extradition avec l’Algérie. Mais sa sécurité est précaire. À Londres, il rase les murs : « Je ne vais jamais en boîte ni dans les restaurants luxueux », confie-t-il. L’ex-golden boy d’Alger se déplace désormais en taxi, comme tout le monde. Lui qui s’était installé dans plusieurs suites du magnifique palace Dorchester, face à Hyde Park, a pris fissa un appartement plus discret dans les environs dès qu’il a eu connaissance de ses ennuis judiciaires. Sa femme et sa petite fille de 5 ans sont restées à Paris, où il possède un appartement de 200 m2 tout près du Champ de Mars. Mais il s’y rend le moins souvent possible, car il y a danger : la France, elle, pourrait l’extrader. Tout comme l’Allemagne. […]
La déconfiture de Khalifa Airways, qui assure 52 % du trafic domestique et dont le logo (un condor) orne les tee-shirts de l’Olympique de Marseille ? « Pas de problème, il y a encore 80 millions de dollars dans la caisse, de quoi vivre plusieurs années », nous affirmait-il le 7 avril. Trois jours plus tard, il était sèchement démenti par le ministre algérien des Transports, Abdelmalek Sellal, qui annonçait publiquement la « suspension incessante du certificat de navigation de la compagnie », pour laquelle « il n’y a plus rien à faire ».
À Alger, où son nom s’affiche encore partout, la chasse au Khalifa est ouverte. « S’il revient ici, il se fait lyncher », jure un ancien cadre de Khalifa TV récemment licencié. Pour Sélim, patron d’un petit salon de thé en plein coeur de la Casbah, la déconfiture de sa banque, incapable de faire face à ses engagements et de rembourser les dépôts de ses clients, est un drame familial : « J’y avais investi mes économies : 4 millions de dinars [60 000 euros]. Volatilisées ! » La déroute de sa compagnie aérienne et de sa télévision risque de mettre sur le carreau plus de dix mille personnes dans un pays où le taux de chômage dépasse les 30 %. Pour le moment estimée à 1,5 milliard de dollars, l’ardoise pourrait aller « jusqu’à 3 à 4 milliards de dollars, soit 4 % du PIB algérien », estime Brahim Hadjas, patron de la Union Bank, une banque d’affaires privée concurrente de Khalifa Bank.

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