À l’ombre du mobile

L’expansion de la téléphonie cellulaire a considérablement modifié le paysage des lélécommunications en Afrique. En ouvrant de nouveaux marchés, elle a suscité de nouveaux usages.

Publié le 25 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

La téléphonie classique, qui a tissé sa toile en Afrique dans les années soixante-dix, traîne depuis près de deux décennies une image déplorable : services insuffisants proposés par des opérateurs souvent inefficaces à des prix prohibitifs… Face à cette situation plus que critique, l’arrivée du cellulaire au cours des années quatre-vingt-dix a été perçue comme une véritable révolution technologique : ce nouveau concurrent a donné un sérieux coup de vieux aux réseaux fixes du continent. Seuls ceux installés dans certains pays d’Afrique du Nord (Égypte, Tunisie, Maroc) et d’Afrique australe (Afrique du Sud, Maurice) sont suffisamment opérationnels pour trouver grâce auprès des spécialistes internationaux. Ces cinq pays sont d’ailleurs les seuls sur l’ensemble du continent à présenter en 2002, selon les chiffres de l’Union internationale des télécommunications (UIT), une télédensité (nombre de lignes pour 100 habitants) égale ou supérieure à 10 %. Le champion incontesté de la téléphonie fixe en Afrique est Maurice, avec un taux de couverture de 25 %, suivi de l’Afrique du Sud, qui occupe la deuxième position avec 13 %.
Il a fallu attendre les réformes économiques et l’ajustement structurel, imposés à l’Afrique par les bailleurs de fonds depuis une quinzaine d’années, pour voir évoluer le secteur de la téléphonie fixe. Jusqu’alors, les réseaux étaient concentrés entre les mains d’un opérateur public, directement dépendant de son ministère de tutelle. « Cela ne facilitait pas la prise d’initiatives, puisque aucun investissement n’était possible sans décision politique », rappelle Guy Zibi, responsable de la zone Afrique auprès du cabinet d’études anglo-saxon Pyramid Research. Largement subventionnées, les sociétés publiques en situation de monopole ont donc longtemps vécu sur leurs acquis, avant de voir leur environnement placé sous le signe de la concurrence. Entre 1992 et 2002, la vague de privatisation des marchés a considérablement changé le paysage africain des télécoms. Le nombre d’opérateurs est resté identique (52). Mais si on comptait encore 46 sociétés publiques en 1992, elles n’étaient plus que 29 dix ans plus tard. Outre l’abolition des situations de monopole, ces privatisations visaient à restructurer les opérateurs historiques et à rationaliser les réseaux, les privés occidentaux apportant leur expertise et les fonds indispensables aux investissements. « Sans être la solution parfaite, cette approche a fonctionné dans la majorité des pays et a redynamisé le secteur », remarque Guy Zibi. La libéralisation du secteur, avec l’arrivée d’une deuxième licence fixe, comme c’est actuellement le cas au Mali ou au Nigeria, doit également renforcer cette amélioration en cours… Celle-ci doit d’ailleurs beaucoup au mobile. En effet, pour inciter aujourd’hui les investisseurs occidentaux à s’impliquer dans la privatisation d’un réseau fixe, rien de mieux que de l’accompagner d’une licence mobile. « Ce qui n’était pas le cas il y a encore cinq ans », précise Guy Zibi. Il faut dire que, depuis son arrivée sur le continent en 1996, le mobile progresse de manière impressionnante en Afrique. D’après l’UIT, le nombre de lignes cellulaires a atteint 33 millions en 2002, contre 23 millions de lignes fixes. En 2000, le nombre de lignes fixes était déjà de 20 millions, contre 15 millions pour le cellulaire.
Quel peut être l’avenir du téléphone fixe dans ce contexte ? « Le mobile est très bien adapté pour les communications vocales, mais pas pour les transmissions de données ou Internet, qui nécessitent un réseau fixe perfor-mant », explique Gérard Dega, vice-président exécutif chez Alcatel, opérateur présent dans 36 pays africains. De tels réseaux sont donc vitaux pour les entreprises et la vie économique des pays. « Le fixe ne peut pas disparaître, ne serait-ce que pour assurer le développement du Web sur le continent », confirme Guy Zibi.
Reste maintenant à sortir la téléphonie fixe de sa condition d’outil de communication secondaire dans laquelle l’a précipitée l’arrivée spectaculaire du cellulaire. « Il existe en Afrique une vraie prise de conscience quant à l’importance de développer des réseaux de télécommunications fixes capables d’assurer une couverture régionale », constate Gérard Dega. En cours d’assainissement à l’échelle nationale, l’avenir des réseaux fixes africains semble donc passer par une stratégie régionale. À condition, là encore, de trouver les financements…

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