Les plans du futur

Résultat d’une politique d’aménagement de longue haleine, Tunis se transforme peu à peu en une métropole moderne. Sans perdre son caractère arabo-méditerranéen.

Publié le 25 avril 2003 Lecture : 4 minutes.

La capitale tunisienne est encore loin de rivaliser avec les mégapoles africaines comme Le Caire (14 millions d’habitants), Lagos (8 millions) ou Casablanca (3,5 millions), mais elle est le théâtre d’un boom économique impressionnant. À l’initiative des planificateurs, des urbanistes et des entrepreneurs, elle est en passe de devenir une métropole moderne et en pleine expansion.
En 1956, année de l’indépendance du pays, Tunis s’étendait sur 4 000 ha et comptait 560 000 habitants, dont 150 000 vivant dans des bidonvilles à la lisière de la médina. Au sortir de soixante-quinze ans de protectorat français, la population était pauvre, le taux de mortalité infantile atteignait 350 ä, l’analphabétisme touchait 85 % des habitants, et la moitié des 700 000 logements recensés étaient des gourbis. Un demi-siècle plus tard, la surface urbanisée de la ville a été multipliée par six – elle atteint aujourd’hui 25 000 ha -, sa population est de 2 millions d’habitants et ses indicateurs sociaux se sont très sensiblement améliorés. Le taux de mortalité infantile est tombé à 26 ä, l’analphabétisme a été ramené à 25 %, et la classe moyenne, qui représente plus de 70 % de la population, a vu son niveau de vie progresser de manière spectaculaire. Le PNB par habitant a été multiplié par vingt-cinq en trente-cinq ans, passant de 117 dinars en 1966 à 2 900 dinars en 2001. Et ce n’est pas fini. La ville ne cesse de repousser ses frontières. Partout, les quartiers résidentiels, les centres d’affaires, les zones touristiques et industrielles empiètent sur les terres agricoles et parfois même sur le littoral.
Le Grand Tunis est aujourd’hui une conurbation d’une vingtaine de kilomètres de rayon, qui rassemble la vieille médina, le centre-ville (dit « européen » en raison de son architecture coloniale) et les proches banlieues. Malheureusement, cette urbanisation se fait sous la pression d’une demande croissante et n’est pas toujours cohérente. Elle offre parfois un fouillis de styles architecturaux et une cacophonie de formes, de volumes et de lignes qui menacent de faire perdre à la ville sa personnalité arabo-méditerranéenne.
Autre conséquence, plus heureuse celle-ci : huit ménages sur dix sont aujourd’hui propriétaires de leur logement, et les habitats rudimentaires ne représentent plus que 1,2 % de l’ensemble du tissu urbain, contre 44 % il y a trente-cinq ans. Connaissant les problèmes auxquels la plupart des grandes villes du Maghreb et du Machreq sont confrontées en matière d’habitat et d’équipements sociaux, on mesure le chemin parcouru.
Dès le milieu des années soixante-dix, Tunis s’est doté d’un certain nombre d’instruments institutionnels et d’organismes de planification destinés à favoriser la mise en oeuvre de politiques urbaines concertées. Depuis l’Association de sauvegarde de la médina, fondée dès 1968, et la Direction de l’aménagement du territoire (l’année suivante), juqu’au Schéma directeur d’aménagement du Grand Tunis à l’horizon 2016 et au Plan directeur régional des transports (1995)…
Le développement urbain n’est donc pas traité au coup par coup, mais repose sur des choix à moyen et long terme. Autrement dit, sur une vision d’ensemble. Cette stratégie a permis la création de grandes zones d’habitation (Ibn-Khaldoun, El-Manar, les Berges du lac nord et beaucoup d’autres), mais aussi la construction de trois lignes de métro (32 km au total), de grands axes routiers, de ponts et d’échangeurs qui ont permis de désengorger le centre-ville et de relier les banlieues entre elles. De même, les activités industrielles ont été regroupées dans des zones spécialisées (Charguia I et II, Ben Arous, Sidi Hassine). Bref, en dépit de la densité démographique, de l’intensité du trafic routier, de la pollution et de tous les désagréments de la vie moderne, Tunis est une ville émergente où il fait encore bon vivre.
Lancé en 1983 avec des capitaux tuniso-saoudiens, le projet d’assainissement du lac de Tunis devrait permettre de dégager, à l’horizon de 2020-2025, une réserve foncière de quelque 2 500 ha et 350 000 habitants. Une véritable ville nouvelle. La première tranche du projet (dite du Lac nord) est achevée. Elle regroupe des centres de loisirs, des ensembles de bureaux, des immeubles d’habitation, des centres commerciaux et des secteurs résidentiels. La seconde tranche concerne l’aménagement de 700 ha supplémentaires. Elle permettra de réaliser la jonction entre le tissu urbain du centre de Tunis et celui de La Goulette, à une quinzaine de kilomètres plus au nord. Un certain nombre d’aménagements (voirie, éclairage, etc.) ont déjà été réalisés, et les premières constructions commencent à émerger. Une fois achevé, l’ensemble devrait permettre d’accueillir environ 70 000 personnes.
Ce succès a incité les pouvoirs publics à lancer une opération similaire pour les Berges du lac sud. Le projet, qui en est encore à sa première phase (dragage, remblai et assainissement), a permis de dégager une superficie exploitable de 750 ha. Près de la moitié de cette superficie sera réservée aux espaces verts. L’autre moitié accueillera, à terme, 120 000 habitants. Les promoteurs attendent l’assèchement total du sol pour entamer la seconde phase des travaux (mise en place des infrastructures de base). Selon les responsables de la Société d’étude et de promotion de Tunis-Sud (SEPTS), l’exploitation de la zone ne démarrera qu’en 2008.
D’ici là, le port de Tunis, aujourd’hui fermé, sera transformé en port de plaisance, et les quartiers industriels et populeux qui entourent l’ancien port (la Petite Sicile et la Gare de marchandise) seront réhabilités et réaménagés. La zone sera dotée d’un CHU, d’une technopole, d’un Palais des congrès, mais aussi d’établissements touristiques, de centres commerciaux et de quartiers d’habitation. Un pont reliera la ville portuaire de Radès, au Sud, à la voie express Tunis-La Goulette.
Longtemps, la capitale tunisienne a tourné le dos à la mer, d’où, traditionnellement, venaient les envahisseurs. Son développement était orienté vers l’intérieur des terres. La tendance est désormais inversée, comme le montrent toute une série de réalisations : réhabilitation de l’avenue Habib-Bourguiba, développement de l’avenue Mohammed-V (dans le quartier des banques où, en 2005, sera inaugurée la Cité de la culture), extension du quartier d’affaires de Montplaisir, reconquête des Berges du lac, aménagement du parc archéologique de Carthage… Signe des temps, Tunis s’ouvre au vent du large.

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