Le parfait Américain

Publié le 28 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

Les soldats américains qui occupent l’Irak ne savent pas très bien où ils sont ni ce qu’ils font là. Et qui sont ces étrangers hirsutes qu’ils tiennent en joue avec leurs fusils d’assaut et qui parlent une langue gutturale inconnue à Moron City (Texas). Pour répondre à ces questions, le département d’État leur a distribué un petit fascicule – « Communiquer avec un Irakien en dix leçons » -, et les ganaches du Pentagone se sont eux aussi fendus d’un manuel – « Abattre un Irakien à dix pas ».
Reste tout de même un casse-tête : étant donné la diversité ethnique des States, comment écrire un guide qui se mette au niveau de chaque marine ? Entre un général John Abizaid qui parle parfaitement l’arabe et un sergent Bilko qui croit que les Arabes mangent du chameau à chaque repas, il y a de la marge.
Il y a quelques années, la Rand Corporation s’était penchée sur ce problème. Elle avait financé une expérience ultrasecrète dont l’objet était de créer le vrai Américain, entièrement multiculturel, à l’aise aussi bien dans le ghetto de Detroit que dans les salons huppés de Boston. L’idée était de mettre fin aux tensions raciales, mais surtout de fournir à l’armée le parfait petit soldat, totalement ignorant de la diversité du monde et prêt à tuer tout ce qui ne consomme pas des tonnes de ketchup et des litres de Cherry Coke. Dans un laboratoire de Los Alamos, on mélangea donc les gènes de dix Américains choisis chacun dans une population différente. Le bébé – baptisé John Alberto Taureau-Assis Meyer Gambino Polak de La Motte – était en bonne santé. Il fut nourri pendant vingt ans des mythes et des légendes de chaque groupe ethnique qui participait à son ADN. On lui inculqua aussi les croyances communes qui font de ce pays l’éden de Dieu : le droit de porter des armes, le culte de l’argent et la destruction créatrice chère aux économistes ultralibéraux. L’expérience fut couronnée de succès.
– Mais alors, dis-je à mon collègue le professeur S. de l’université d’Athens (Georgie), qui me raconte tout cela, mais alors, pourquoi n’a-t-on pas vu John Alberto Taureau-Assis Meyer Gambino Polak de La Motte à Bagdad ?
– Parce qu’il purge une peine de prison à perpétuité pour attaque à main armée, viol en réunion dans le ghetto, trafic d’alcool dans la réserve indienne, délit d’initié à Wall Street, escroquerie aux faux vins de Bordeaux, appartenance à la mafia italienne et accointances avec les triades du Chinatown de New York.
– Dedieu ! Tout ça, pour un seul homme ?
– Ben oui. Le parfait Américain…

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